La mauvaise farce n’aura pas duré. Pendant que le «leader maximo verde» tentait de draguer les pêcheurs du Guilvinec, des petits plaisantins ont tenté une forme rare de déni des causes du réchauffement climatique. Sur le site du prétendu Journal of Geoclimatic studies, on pouvait lire le bouleversant article signé de quatre chercheurs des Etats-Unis et de Suède, qui tentaient d’expliquer que les combustibles fossiles brûlés à tour de bras par les humains ne sont pas responsables du réchauffement. Le véritable coupable serait une bactérie qui pête le gaz carbonique comme les vaches flatulent le méthane le soir au coin du feu. Cette vilaine bébête aurait profité de la disparition d’un féroce prédateur pour proliférer et faire grimper le taux de carbone atmosphérique depuis la fin du XIXe siècle.
Immédiatement, plusieurs sites ou blogs de «sceptiques du réchauffement» se sont emparés de l’affaire. Pensez-donc, une preuve, enfin, qu’on peut continuer à cracher du carbone à plein tubes, juste quelques jours avant la publication du dernier rapport —alarmiste vous vous en doutez— des experts de l’ONU sur le climat… Beaux-joueurs, plusieurs des crieurs de loup ont vite reconnu avoir été dupés. Car les signataires de l’article ne semblent pas plus être de vrais scientifiques que Sarkozy est président de droit divin.
Le drôle de site internet avait été enregistré le 2 novembre dernier au nom d’un certain Dr. Hiroko Takebe, de l’université d’Okinawa. Il ne répond plus. Mais c’est sans compter avec la fameuse fonction «cache» du célèbre moteur de recherche Google, qui permet encore de lire —avec délice— le prétendu papier (dommage, c’est sans les schémas). On y découvre, à grand renfort d’équations, qu’une bactérie, une «eubacterie benthique» prolifère dans les eaux du grand Sud. Et le CO2 qu’elle rejette permet de reconstruire exactement l’évolution de la température du globe depuis 140 années, tandis que le nôtre est trop insignifiant. Le papier est truffé de références à d’authentiques travaux détournés pour l’occasion.
Les prétendus chercheurs se sont d’emblée placés en victimes d’une chasse au sorcières: «Ces découvertes nous placent dans une position difficile. Nous nous sentons le devoir de publier, à la fois dans un souci d’objectivité scientifique et pour prévenir de la terrible erreur —qui a des conséquences extrêmement coûteuses— que font les gouvernements de la planète.» Mieux, les quatre «farceurs» laissent entendre que leur travail a été censuré par d’autres revues scientifiques, et soulignent que «le consensus sur le réchauffement ne s’exprime pas par les faits mais par la force».
Je ne résiste pas au plaisir de vous lire l’avant-dernier paragraphe de cet étrange papier: «Nous avons été avertis, individuellement et collectivement, que porter ces résultats sur la place publique nous priverait très probablement de toute source de financement, et que cela entraînerait également des conséquences sur le financement des institutions pour lesquelles nous travaillons.» Fort heureusement, le Département de Climatologie de l’Université d’Arizona n’a pas de souci à se faire, puisqu’il n’existe pas…
Alors un conseil, à tous ceux qui auraient une —vraie cette fois— preuve que l’homme ne réchauffe pas le climat. Dans votre publication, ne parlez pas du consensus actuel, ne vous engagez pas sur la pente glissante des combats politiques. Tenez-vous en aux fait scientifiques. Si la preuve est faite que la plupart des travaux sur le climat sont bons à jeter aux orties, le reste suivra, les sceptiques pourront faire la fête, et nous aussi, simple mortels, d’ailleurs. Promis, je ferai tout pour me payer le même Hummer que Schwartzenegger et je m’offrirai un climat tropical dans mon salon…
Post-Scriptum. Je donne ici la suite de cette formidable aventure: la bactérie est innocente, juré.
Image © Denis Delbecq 2007