Divorce dans l’Arctique

C’était un si beau couple, l’île de glace d’Ayles, que personne ne pouvait deviner qu’il était si fragile. Il s’était formé en août 2005, né du vêlage d’une calotte glaciaire vieille de quatre mille ans, tout au nord-est du Canada, non loin du Groenland. Large comme 11000 terrains de foot et épaisse de trente à quarante mètres, le foyer avait entamé une longue promenade amoureuse dans l’Arctique, au gré des courants, des vents et des saisons. Le quatre septembre dernier, après avoir erré 470km vers le sud, et ses eaux plus chaudes, les deux milliards de tonnes d’eau gelée n’ont pu poursuivre leur union. La veille, les images satellites capturées par l’Agence spatiale canadienne montraient une très nette fracture, signe d’une séparation imminente de deux amants.

Très rapidement, chacun a repris sa liberté. L’île (rocheuse celle-là) d’Amund Ringnes, tel un juge de paix pour glace en déshérence, a tranché: Monsieur, vous qui êtes si grand, vous sortirez par la porte de droite, au sud-est. Quant à vous, Madame, merci de filer toutes glaces dehors vers le sud.

La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que tous deux devraient se jeter tels des désespérés dans l’un ou l’autre des golfes sans issue de la côte arctique canadienne, et se briser progressivement jusqu’à devenir de gros glaçons et se noyer. A force de dériver vers le sud, les «moitiés» d’Ayles ont perdu tout espoir de se retrouver dans des eaux libres, où elles auraient pu menacer des installations pétrolières. Les détectives spatiaux engagés il y a deux ans par le Canada vont pouvoir souffler un peu…

Image © Agence spatiale canadienne

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