Une question de dénominateur

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Puisque le climat sera l’un des moments forts de l’actualité environnementale de la semaine, jetons un coup d’œil sur le rapport publié par Greenpeace et le European Renewable Energy Council, qui fédère de nombreux acteurs, industriels et centres de recherche des énergies “vertes”. Ce document d’une centaine de page dresse le tableau d’une économie mondiale vertueuse en matière d’énergie à l’horizon 2030.

Selon les auteurs du rapport (L’institut de thermodynamique
de l’agence spatiale allemande DLR), les énergies renouvelables
pourraient contribuer à hauteur de 35% aux besoins de la planète en
2030, et à la moitié vingt ans plus tard. Aujourd’hui, ce compteur
s’affiche à 13% à l’échelle mondiale. Mais au delà de ces chiffres,
c’est surtout la démarche qui est intéressante dans ce document.

Une
proportion, un taux, c’est un numérateur et un dénominateur. Et pour
grimper de 13% à 30, 40 ou 50% en un temps record (si, si, cinquante
ans c’est rapide pour de telles mutations dans la production d’énergie)
c’est autant le numérateur, la production verte, qui croit, que le
dénominateur qui évolue. Et le dénominateur, le besoin d’énergie des
humains, doit, selon les calculs de l’agence internationale de
l’énergie (AIE) croître très vite. Certes les politiques plus ou moins
vertueuses mises en place dans certaines régions riches de la planète
calment le jeu. Mais les torrents d’électricité, de chaleur, de
carburant nécessaire pour alimenter les formidables machines à
développement économique chinoise, indienne, brésilienne etc. rendent
les scénarios officiels très pessimistes, avec une croissance de la
consommation énergétique certes plus faible que la croissance
économique, mais spectaculaire quand même.

La première « source d’énergie », comme je me tue à le dire depuis vingt ans, c’est l’économie d’énergie, le négawatt (le terme n’est hélas pas de moi).
C’est lui qui fait chuter le dénominateur, donne l’image d’un monde
plus propre et réduit les factures énergétiques. Face à une soif de
croissance difficile à refuser aux pays pauvres qui veulent en sortir,
l’efficacité énergétique est la clef d’un monde meilleur. Ce que montre
l’étude dont il est question aujourd’hui, même si les auteurs ne
calculent pas l’investissement nécessaire (où alors j’ai mal lu), c’est
qu’une utilisation très rationnelle de l’énergie permettrait d’effacer
la moitié de la consommation totale de la planète. Traduit en chiffres,
cela donne 422000 pétajoules par an pour 2050, contre 810000 dans le
scénario de référence de l’AIE. Pour ceux qui ne maîtrisent pas le
“peta” (le million de milliards) et le joule, notre consommation est
d’aujourd’hui 13 000 térawatts-heure (TWh), elle baisserait, si on fait
ce qu’il faut, à 12 600 TWh mais si on continue à ce rythme, elle
serait de 24 300 TWh.

Résumons: si on fait gaffe, à commencer
par changer ses ampoules, éteindre la lumière en sortant d’une pièce et
débrancher le sèche-linge, on éviterait l’équivalent de 1500 réacteurs
nucléaires. Au prix TTC de l’électricité payée par les français, réputé
faible selon EDF, cela donne une économie annuelle sur la facture
économique mondiale de 1300 milliards d’euros. Je sais, ce genre de
calcul de coin de table ne mène pas à grand chose, mais cela ne fait
pas de mal de se donner des ordres de grandeur.

Un scénario tel
qu’envisagé par les experts mandatés par Greenpeace est-il réaliste?
Toute la question est là. A y regarder de près, une partie de la
réponse, si ce n’est la plus grande tant notre mode de vie est lié au
pétrole, se trouve dans le prix du baril: L’AIE l’estime à une
cinquantaine de dollars en 2030. D’autres experts parlent d’un baril à
plus de 100 $. L’étude a mis le curseur à 85$ ce qui n’est peut-être
pas si absurde quand le baril se négociait au dessus de 55 dollars
aujourd’hui, après des pics à plus de 70 dollars il y a quelques mois.
Voilà qui viendra appuyer l’appel que la communauté scientifique,
entrée en conclave ce matin à Paris, ne manquera pas d’adresser aux
puissants.

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