Dans dix jours, les dirigeants de Trafigura seront sur le banc des accusés du tribunal d’Amsterdam. Ils seront accompagnés de la ville d’Amsterdam, d’une société, Amsterdam port service, spécialisée dans le traitement des déchets, et du capitaine du tristement célèbre Probo Koala. A Abidjan, en juillet 2006, le navire avait débarqué du slop, des déchets pétroliers contenant diverses substances toxiques ou très incommodantes, comme de la soude ou du méthanetiol —un composé soufré—, qui avaient échoué dans plusieurs décharges légales ou sauvages, tuant —selon la justice ivoirienne— dix-sept personnes, et intoxicant des milliers de personnes. Une affaire qui avait durement secoué le système politique du pays. Une procédure engagée par la Côte d’Ivoire s’était achevée par un accord d’indemnisation à l’amiable: 152 millions d’euros au gouvernement ivoirien, et 33 millions de plus pour les 31 000 victimes. Mais l’histoire n’est pas terminée et c’est, cette fois, pour violation des lois néerlandaises sur les exportations de déchets que Trafigura et quelques autres sont poursuivis.
A l’aube de ce nouveau procès, le journaliste Bernard Dussol, grand reporter à Thalassa et Charlotte Nithart, de l’association Robin des bois, racontent cette rocambolesque affaire. Pour éviter de décharger les produits à Amsterdam, au prix fort, Trafigura avait expédié le Probo Koalo et son équipage ukrainien en Afrique, à la recherche d’un lieu discret pour se débarasser de cette «merde». C’est aussi l’histoire d’un ivoirien habitué à vivre d’expédients, Salomon Ugburgbo, qui croit flairer le bon coup en acceptant de prendre en charge ces déchets nauséabonds, avec la complicité du responsable du port, des douaniers, d’un directeur de décharge et d’une poignée de chauffeurs payés au lance-pierres pour «emprunter» des camion-citernes à leur employeur une nuit, le temps de se débarrasser de leur puante cargaison… C’est un véritable thriller, palpitant, qui nous plonge dans les bas-fonds du transport maritime, du trafic de déchets et de la corruption. Décrivant dans les moindres détails les magouilles de Trafigura pour se tirer de ce mauvais pas. Si vous vous demandez quel sera votre prochain polar, ne cherchez plus. Foncez chez votre libraire pour vous procurer le «Cargo de la honte». Il a le goût du roman, mais ce n’est pas un roman. Et ça fait peur…
Le cargo de la honte, l’effroyable odyssée du Probo Koala, Bertrand Dussol et Charlotte Nithart, Ed. Stock Documents, 260 pages, 18,50 euros.
17 morts, c’est de la rigolade. On en fait plus en accidents de circulation les ‘bons’ week-ends. Si un honnête trafiquant n’a même plus le droit de gagner des sous, où va le monde?