Pas facile d’être chercheur. Les 48 membres de l’équipe indo-germanique embarqués à bord du Polarstern s’en s’ont rendus compte cette semaine. Cette équipe devait arriver dans quelques jours dans l’océan austral pour tenter de doper le plancton. Pas moins de vingt tonnes de sulfate de fer devaient être dispersées sur trois cent kilomètres carrés de mer, pour en voir l’effet sur la pompe à carbone océanique. L’expérience a fait pschitt. Du moins temporairement. Car le ministre allemand de la recherche a ordonné la suspension du projet à la demande de son collègue de l’environnement, lui-même harcelé par des organisations écologistes.
Officiellement, une commission indépendante doit examiner les risques posés par cette expérience sur l’écosystème. Toute la question est de savoir combien de temps il faudra pour cela. Car la saison des promenades scientifiques est courte dans le grand Sud, et l’expérience doit durer huit semaines.
A vrai dire, cette idée d’écoper le gaz carbonique à la cuiller ne me séduit guère. mais il y a quand même un truc qui me chiffonne. Ça fait un an que se projet se prépare, les ministres avaient donc tout le temps de se pencher sur la question. Par exemple en relisant le texte du moratoire sur les expériences à grande échelle de fertilisation de l’océan, que l’Allemagne avait co-rédigé dans le cadre de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique…
20 tonnes sur 300 km2…. 66 milligrammes par mètre carré… 6.6 microgrammes par cm2…. en imaginant que ça reste sur 10 mètres de profondeur ça fait 0.006 milliardième de gramme de sulfate par gramme d’eau de mer.
Concentration naturelle de l’eau de mer: 0.003 grammes de sulfate par gramme d’eau de mer. 500 millions fois plus.
…pas de doute c’était urgent que des bouffons s’en mêlent. 🙂
Un lien technique intéressant sur le sujet,qui aborde aussi le volet législatif : http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/oceanographie-1/d/fertilisation-de-locean-contre-rechauffement-une-nouvelle-experience_17933/
La problématique du dérèglement climatique, c’est un peu comme celle de l’énergie (et de bien d’autres) : il n’y a pas de solution miracle (pas grand chose à attendre en l’état actuel de la fertilisation par le fer donc), et il faudra un peu de tout pour faire de l’effet : de la MDE, de la captation de carbone à la source, des alternatives énergétiques, etc.
Ça vaut le coup donc de tester ce que ça donne à petite échelle : on est loin de tout comprendre et la vision de « moi donne toi fer, toi pompe moi carbone » est clairement simpliste.
Les nuisances dans ce « débat » viennent plutôt de ceux qui croient que c’est un remède miracle et de ceux qui couinent au désastre écologique, deux réactions épidermiques vraiment pas progressistes.
@Mizaël, la dimension géologique des problèmes est souvent oubliée dans ces propositions d’ingénierie climatique. Dans le cas décrit ici, le plancton a une durée de vie moyenne très brève. Il fait partie d’une chaîne alimentaire qui se déploie à l’échelle de quelques années seulement pour l’essentiel de la masse concernée. Les déchets animaux et végétaux sont oxydés à 99 % par l’oxygène de l’eau pour former du gaz carbonique, sauf à trouver des sites exceptionnels anoxiques où ils peuvent être piégés par les sédiments. Augmenter la masse de placton, c’est stocker du carbone pour le recracher après quelques années. Je crains que des essais de genre ne soient, si j’ose dire,que des coups d’épée dans l’eau.
Le problème vient du fait de la sédimentation des microorganismes planctoniques après leur mort. C’est pas lourd une microcrevette !, et la plupart ne rejoint pas les abysses pour y être stocké.
Nous avions commencé à réfléchir ici à développer plutôt des fermes coralliennes, issues de techniques de transplantation corallienne par « nubbin ».Un corail au moins ça coule sans problème ! ;), mais là par contre il y a nettement plus d’investissement qu’un simple soupoudrage des océans.