Boulette pour Lauvergeon, soucis à Fukushima

Inspection dans le bâtiment réacteur n°1 le 10 mai 2011 © Tepco
Inspection dans le bâtiment réacteur n°1 le 10 mai 2011 © Tepco

Une situation toujours pas stabilisée.

On a appris lundi que Tepco semble considérer qu’il ne sera pas possible de stabiliser les réacteurs endommagés de Fukushima d’ici la fin de l’année comme il l’avait prévu. Après avoir confirmé une fusion des cœurs des réacteurs 1 à 3 (qui s’est produite au tout début de l’accident), et des fuites dans les enceintes qui contiennent ces cœurs, Tepco est revenu à la raison. Le corium, mélange de cœur fondu et du métal des gaines qui enrobent le combustible, repose probablement au fond des cuves —où il baigne dans l’eau—. Si du corium a pu s’échapper, au début de l’accident, par des fuites dans les enceintes, il n’a pas provoqué de phénomène d’ampleur dans les bâtiments des réacteurs. Samedi 28 mai, une pompe chargée du refroidissement du réacteur numéro 5 et de ses piscines de stockage de combustible usé est tombée en panne. La température dans le réacteur a regrimpé jusqu’à 93,7°C avant qu’une pompe de remplacement ne soit mise en service, 15 heures après le début de l’incident.

Tepco avait bien caché des données

Samedi, de nouvelles données sur les radiations en extérieur ont été publiées par Tepco, qui avaient été cachées par l’opérateur —selon le gouvernement—. C’est ainsi que le 17 mars dernier, la radioactivité a été mesurée à 3,699 millisievert par heure, près d’un bâtiment au nord de la centrale.

Deux employés de Tepco ont été contaminés

Lundi, Tepco a également fait savoir que deux de ses employés ont probablement dépassé la dose maximale de radiations de 250 millisievert qui avait été décrétée par les autorités pour permettre les opérations de sauvetage de la centrale. D’ordinaire, la dose maximale annuelle est fixée à 20 millisievert au Japon, pour les travailleurs du nucléaire.

Tentative de décontamination par phytoremédiation.

Les autorités japonaises ont lancé une expérience de décontamination de terres agricoles à Iitate, un village touché par les retombées de Fukushima. Trois hectares de rizières, de champs et de prairies seront plantés de tournesols et d’amarante. Les experts espèrent que ces plantes vont capter les radioéléments contenus dans le sol (du césium principalement), qui pourront ensuite être récupérés en brûlant les végétaux dans des installations spécialisées.

Le milieu marin probablement impacté par la radioactivité

Le 23 mai, une équipe de scientifiques français de l’IRSN a publié une évaluation de la contamination de la faune et de la flore près de Fukushima, d’après les mesures effectuées fin mars sur le terrain par différents organismes. Selon ses calculs, oiseaux, mammifères terrestres et arbres ont reçu une dose jusqu’à cent fois supérieure au maximum considéré comme sans effet biologique. Poissons et algues du Pacifique auraient reçu des doses plusieurs milliers de fois supérieures. Une cinquantaine de radioéléments auraient été diffusés dans l’environnement, majoritairement de l’iode 131 et du césium 137. Selon les experts de l’IRSN, les doses reçues par les algues brunes, les poissons plats, les mollusques et les crustacés vivant près de la centrale de Fukushima sont susceptibles de provoquer une mortalité notable.

Polémique sur la radioactivité en France

Enfin, une polémique a éclaté entre la Criirad et l’IRSN sur l’arrivée en France du panache libéré par la centrale de Fukushima. La Criirad affirme que la radioactivité a été décelée dès le 22 mars, et s’étonne que l’IRSN a donné la date du 24 mars. Ce dernier a expliqué que la Criirad a mal interprété les données publiées sur internet: comme la radioactivité de Fukushima était trop faible pour être repérée par les balises d’alertes, les prélèvements se font sur une durée de plusieurs jours en filtrant de grandes quantités d’air. La Criirad aurait par erreur attribué une mesure au premier jour d’observation, sans avoir contacté l’IRSN pour se faire expliquer le mode opératoire de ces analyses, affirme l’IRSN. La Criirad n’a pas réagi au démenti donné par l’organisme officiel. (Voir également le dernier bulletin de l’IRSN, en date du 22 avril, sur la situation en France).

L’Allemagne sort du nucléaire, Lauvergeon sort une boulette

Ce sera donc 2022 pour l’Allemagne, et 2034 pour la Suisse. Les deux gouvernements européens ont confirmé qu’ils engagent la sortie définitive du nucléaire. Dans les deux cas, il faudra en passer par une loi. Berlin n’a pas fait savoir comment l’Allemagne remplacera les 22% de l’électricité fournie par le nucléaire. Interrogée aujourd’hui par BFM Radio, Anne Lauvergeon, la patronne d’Areva, a fait une belle boulette, à quelques semaines de la fin de son mandat. «C’est une décision totalement politique. Il n’y a pas eu de référendum ni d’appel à ce que pensait l’opinion publique, même si les sondages montrent l’émotion des Allemands.» Gageons qu’à l’Elysée, notre lider maximo nuclei appréciera cet appel implicite à consulter l’opinion française sur le nucléaire.

Des nouvelles de la Hague

Comme prévu, je me suis donc rendu vendredi 27 mai en reportage dans l’usine de retraitement d’Areva à la Hague. Le temps de vérifier un certain nombre d’informations, et le reportage sera publié —tunnel de l’Ascension oblige— sur Effets de Terre en début de semaine prochaine.

13 commentaires

  1. « Une boulette, c’est quand un politique dit la vérité »(Michael Kinsley). Annoncer la fin du nucléaire sans savoir par quoi le remplacer, et sans savoir comment financer cette énorme destruction de valeur, c’est de la politique politicienne pure. Une preuve de plus qu’Angela Merkel dit tout et son contraire pour essayer de plaire à un électorat qui ne veut plus d’elle.
    Le pus beau dans l’affaire, c’est qu’elle a déjà arrêté une partie du parc. Avec la sècheresse généralisée, on va droit vers une énorme disjonction Européenne. Etincelles garanties.

    1. Ce qui serait démagogique ce serait de dire que l’on a actuellement une solution permettant de renouveler le parc nucléaire… Pour l’instant les centrales vont à la casse y compris en France où on a pas assez d’argent pour faire les gros travaux qui sont nécessaires pour étendre leur durée de vie… C’est fini la belle vie ou la génération d’après jouissait sans entraves des dettes de la génération d’avant et de la génération future… maintenant les centrales nucléaires elles sont trop vieilles pour qu’on puisse compter dessus et ça coute trop cher d’en faire de nouvelles.

      Alors c’est quoi votre super solution miracle pour conserver le nucléaire ? On espère que le grand laboratoire dans le ciel sera capable de nous trouver une avancée dans les 5 ans qui viennent qui permettent de construire des centrales nucléaires neuves à un prix abordables ? Ca n’existe pas et ça n’a jamais existé… L’inconscience c’est de faire comme le gouvernement français en étant d’une simple posture alors qu’il n’a aucune idée de comment passer le « mur nucléaire » de la fin de vie des centrales…

      Ou alors on fait comme les allemands : on sait qu’on a une industrie et une recherche qui a prouvé qu’elle était capable de mettre en place un approvisionnement basé sur les énergies renouvelables et on en profite pour développer ainsi des solutions qui sont capables d’être exporté massivement pour la quasi totalité du globe qui est constitué de pays qui ne peuvent pas installer de centrales nucléaires sur leur territoire et qui ont besoin de diminuer leur dépendance énergétique et de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre…

      PS: le gouvernement allemand n’a strictement AUCUN moyen de remettre en ligne les centrales nucléaires allemandes… Les réacteurs qui sont à l’arrêt sont :
      – soit des réacteurs qui sont à l’arrêt parce qu’il s’agit de réacteurs vieillissant qui attendaient une visite de sécurité vu que leur caractère de ruine industrielle exposer à un danger si on ne vérifie pas que tout se passe bien… ce genre de truc ça se fait en deux heurs…
      – soit des réacteurs qui sont en maintenance planifiée vu que les centrales nucléaires qui ne sont pas bien maintenues font des accidents qui nécessitent d’évacuer des régions entières d’un pays… et ces maintenances ça ne se fait pas non plus en deux heures…

      1. Entièrement d’accord avec Tilleul. Merkel fait simplement preuve de bon sens.

      2. Tilleul, vous me faites dire ce que je n’ai pas dit.
        Pour l’instant, Merkel a privé son pays d’environ 20% de sa capacité de production sans proposer un remplacement. Comme dans une voiture, cela tient sur le plat, mais cela décroche dès la première cote.
        Ce qui est irresponsable, c’est de faire comme elle, et de décider qu' »on arrête tout ». Ce qui est aussi irresponsable, c’est de faire comme Eric Besson et de dire qu’en tout cas on continue la construction des EPR planifiés.
        A mon avis, ce qu’il convient de faire, c’est d’étudier comment « manipuler » aussi bien la demande d’énergie comme l’offre adéquate.
        Il s’avère alors qu’à court terme, il est peut être moins cher et moins polluant de changer l’échangeur thermique d’une centrale nucléaire existant, plutôt que de construire 5000 éoliennes offshore.
        Après tout, un arrêt total du parc nucléaire ne change en rien la problématique des déchets, ni des risques encourus, mais engendre d’énorme soucis et des frais insurmontables.
        A long terme, il faut envisager le remplacement de tout le parc français (et européen), qu’il soit nucléaire ou à charbon. Mais par quoi? Et jusqu’où peut-on remplacer la demande d’énergie par des économies d’énergie. On sait depuis des lustres qu’un négawatt est 5 ou 10 fois moins cher qu’un watt ‘classique’. Mais vu l’envie de nos citoyens et le courage de notre classe politique pour les panneaux de radar, je ne vois pas un futur clair pour de tels messages.

      3. Les Allemands ne veulent pas du nucléaire, Merckel ne fait que suivre le peuple. Pour les solutions je ne me fais pas de soucis, ce pays n’est pas là où il en est pour rien.

      4. Tilleul, à combien évaluez-vous le démantèlement d’un réacteur allemand? Est-ce plus cher ou moins cher qu’en France? Pour la France, quelle était déjà votre estimation du coût du démantèlement d’un réacteur? Je ne l’ai plus en tête.

  2. Bonjour,

    J’ai lancé sur le web une petite initiative personnelle au travers d’une pétition en ligne demandant à Me Lauvergeon et à son groupe AREVA de retirer le combustible MOX de tous les réacteurs nucléaires de la planète qui ont été approvisionné par AREVA.

    Ce n’est pas grand chose, mais si vous pouviez relayer cette pétition, car je suis assez effaré de la vitesse à laquelle les médias français ont « enterré » le drame que vivent les japonais baignant, au sens propre dans la radioactivité, et dans le plutonium vendu par AREVA au travers du MOX.

    Oublié également par ces mêmes médias que 22 réacteurs fonctionnent en France et certains depuis 20 ans avec du MOX.


  3. Denis, vous qui avez peut-être accès à d’autres sources que les « simples internautes »… :
    Pourquoi ne parle-t-on dans la presse que des conséquences pour les agriculteurs en cas de sécheresse ?
    Fessenheim a été mise en service en 1977 il me semble, serait-ce par manque d’archives media ?
    Quelles mesures pour un plan canicule + sécheresse, couper les clims ?

  4. L’Allemagne a la solution, et commence à la mettre en place: augmenter la production des centrales à charbon et à gaz actuelles, et en construire de nouvelles et importer de l’électricité du reste de l’Europe. Même le journal Le Monde, antinucléaire notoire, commence à s’en inquiéter au vu des nouvelles inquiétantes sur l’augmentation des émissions de CO2.
    En même temps, continuer à cacher le fait que cette politique aura plus de conséquences chaque année sur la santé publique que ne le ferait un accident de type Fukushima, et beaucoup parler du renouvelable.
    Si une grosse tête allemande trouve le moyen de stocker l’électricité en très grande quantité sous un petit volume, alors alleluia! Mais rien n’interdit à une grosse tête française d’en faire autant! dans l’immense troupe des antinucléaires, je suis surpris que personne ne se soit semble-t-il s’être encore mis à ce travail. Tilleul, Olivier, petits génies, que faites vous donc !

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