Le désert n’a pas toujours bonne mine

Bien que Barrick Gold se soit engagé à recycler et réutiliser l’eau nécessaire à ses opérations, la baisse considérable du niveau de l’eau dans la vallée del Huasco est déjà visible et risque d’entrainer à moyen terme l’assèchement de la région. © Incahuella
Bien que Barrick Gold se soit engagé à recycler et réutiliser l’eau nécessaire à ses opérations, la baisse considérable du niveau de l’eau dans la vallée del Huasco est déjà visible et risque d’entrainer à moyen terme l’assèchement de la région. © Incahuella

Il est 20h lorsque nous arrivons ce jour là à Alto del Carmen, un village au beau milieu du désert d’Atacama. Nous posons nos sacs dans la petite chambre que nous louons dans une auberge. Nous n’avons qu’une hâte : prendre une douche, la première après trois jours de trek. Mais là surprise, l’eau vient d’être coupée dans toute la région, et ne fera son apparition au bout des robinets qu’à 8h demain matin. Cela fait bientôt deux ans que les restrictions d’eau sont de rigueur, la faute à la baisse considérable du niveau des cours d’eau.

Cette période correspond à la mise en exploitation d’une nouvelle mine, nommée Pascua Lama. La plupart des hommes de la région y travaillent, ce qui représente environ 1600 emplois. Mais en réalité ce sont toutes les municipalités du coin qui vivent grâce à elle : commerces, hôtels, restaurants, tout tourne autour de la mine ici, et c’est de même dans tout le nord du Chili.

L’extraction minière est en effet la première industrie du pays. Or, argent ou cuivre, les sols chiliens regorgent de minerais précieux qui attirent beaucoup d’entreprises, notamment étrangères.

C’est ainsi qu’en 2004, la compagnie canadienne Barrick Gold, s’est lancée dans le projet pharaonique de Pascua Lama. A cheval sur la frontière Chili-Argentine, le gisement d’or et d’argent assurerait une vingtaine d’années d’exploitation, pour plus de 20 millions d’onces d’or (566 tonnes) et 685 millions d’onces d’argent à extraire (19420 tonnes). La mine, située à 4800m d’altitude, est en partie recouverte par trois glaciers : Toro 1 et 2, et Esperanza. Barrick Gold a pendant un temps envisagé de détruire une partie de ces glaciers pour accéder aux gisements, ce qui représentait un déplacement de 300 000 m³ de glace sur une surface de 20 hectares.

En 2006, la Commission gouvernementale du Chili a approuvé le projet, mais en y joignant cependant plus de 400 conditions. L’autorité environnementale chilienne empêche notamment la destruction ou le déplacement des glaciers. Tout en s’engageant à respecter ces conditions, Barrick Gold a donc pu commencer ses travaux miniers.

Mais voilà qu’à peine quelques années plus tard, le constat est accablant : malgré l’interdiction de les exploiter, les trois glaciers sondés auraient perdus jusqu’à 70% de leur volume ; contre 14% pour les autres glaciers de la région (perte probablement due au réchauffement climatique). De plus, lors des études d’impact, les glaciers de roche se trouvant sous la surface n’ont pas été pris en considération, alors qu’ils représentent plus de 50 % des réserves d’eau de la région. Une situation alarmante, y compris à court terme, pour l’alimentation en eau de la vallée del Huasco.

A cela s’ajoutent d’importantes prises de risques : Premièrement, l’extraction de l’or se fait grâce au mercure. En cas de fuite, toute la vallée sera contaminée et donc condamnée puisque cette molécule est extrêmement toxique pour les êtres-vivants. Et c’est sans parler des montagnes de déchets miniers qui seront générées…

Deuxièmement, alors que nous sommes dans la zone la plus aride du monde (la vallée del Huasco est une véritable oasis au milieu du désert d’Atacama), 370 litres d’eau par seconde sont utilisés pour l’extraction de l’or. Barrick Gold a trouvé la parade pour ne pas complétement assécher la vallée en pompant cette eau dans la rivière Las Taguas, en Argentine.

Troisièmement, et ce pour couronner le tout, en 2000 les prospections minières pour Pascua Lama ont provoqué une fuite de 65 000 litres de pétrole dans les eaux souterraines de la vallée, et c’était la deuxième fois que cela arrivait…

On peut alors se demander si l’activité minière est vraiment durable (économiquement, écologiquement et socialement parlant) et si elle mérite de prévaloir sur le maintien et l’essor des activités agricoles et touristiques de la région.

4 commentaires

  1. « On peut alors se demander si l’activité minière est vraiment durable (économiquement, écologiquement) »

    Par principe, l’activité minière n’est durable ni économiquement, ni écologiquement, puisque son objectif est de prélever des ressources naturelles non renouvelables et/ou des ressources naturelles renouvelables bien au-delà du rythme de leur renouvellement (c’est clairement le cas de l’eau ici).

    Tout ce que l’on peut espérer, c’est que l’activité minière soit à faible impact. Mais avoir une activité à faible impact écologique, cela n’a jamais été dans l’esprit d’une seule compagnie minière depuis au moins le début de la révolution industrielle (ou alors elles auraient abandonné l’activité minière). Et tous ceux qui connaissent un tant soit peu les techniques d’extraction de l’or et de l’argent savent que les quantités d’eau nécessaires dépassent de très, très loin les flux hydriques de la zone concernée (sans parler des substances toxiques nécessaires pour isoler par réactions chimiques le métal précieux du reste).

    Donc tout cela était, hélas, parfaitement prévisible. Mais le gouvernement chilien a voulu privilégier l’argent plus facile et à court terme (généré par la stimulation économique que de telles mines provoquerait inévitablement les 10 ou 20 premières années).

    1. Petite correction : en remplaçant « hydrique » par « hydrologique » dans ma réaction précédente, ça doit être plus français.


Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.