Main d’œuvre jetable à Fukushima

A Fukushima © Tepco
A Fukushima © Tepco

C’est sans doute le sens de l’histoire: la sous-traitance a pris des proportions considérables dans l’industrie nucléaire de la planète. Au Japon comme ailleurs: l‘agence Reuters publie une enquête édifiante sur la manière dont Tepco a géré le personnel de Fukushima depuis quinze ans, et au cours de l’accident survenu en mars dernier. Cela fait vraiment froid dans le dos…

Tepco fait si peu de cas des liquidateurs qu’elle n’est même pas capable de savoir ce que sont devenues 69 des 3600 personnes qui sont intervenues juste après l’accident. Leurs noms n’ont même pas été consignés! D’autres n’étaient enregistrés dans les registres que par une initiale… Comment ces gens, dont certains ont très probablement subi de lourdes expositions, seront-ils suivis médicalement?

Reuters raconte qu’un liquidateur sexagénaire avait officiellement été recruté comme conducteur de camion. Une fois son contrat signé, il s’est retrouvé à patauger dans les eaux radioactives de Fukushima. Il n’a reçu son premier dosimètre qu’après quatre jours d’exposition… Pour acheter son silence, il était payé le double de ce qu’on lui avait promis, mais il cherche aujourd’hui à obtenir réparation.

Officiellement, 9 personnes ont reçu une exposition supérieure à 250 millisievert, la norme fixée par les autorités pour permettre les opérations sur le site de Fukushima. Deux d’entre elles ont reçu 600 mSv, tandis qu’une grosse centaine a dépassé les 100 mSV. Alors que de nombreux liquidateurs n’ont pas eu de dosimètre pendant une longue période, comment peut-on prendre ces chiffres «raisonnables» au sérieux?

Les pratiques douteuses de Tepco remontent loin, selon un ancien dirigeant d’une entreprise sous-traitante qui a raconté à Reuters ce qu’il a vu: en 1997, il avait fallu remplacer une pièce critique du réacteur numéro 3 de Fukushima, dans une zone lourdement contaminée. Des failles étaient apparues, qui ont été cachées aux autorités de sûreté pendant près de cinq ans. Pour les réparations, Tepco est allé chercher des soudeurs à bas prix en Asie du sud-est et en Arabie saoudite. D’autres ouvriers étaient venus des Etats-Unis. Personne ne sait ce qu’ils sont devenus, il n’y aurait aucune trace écrite de leur existence…

6 commentaires

    1. Romu, je sais bien qu’on ne peut faire boire un âne qui n’a pas soif ( je ne parle pas de vous!). Mais puisque vous mettez le charbon sur le tapis, renseignez-vous sur la façon dont on travaille dans les mines d’Ukraine, les plus dangereuses au monde après les mines chinoises et Indiennes. Ce qui ne justifie nullement les méthodes décrites ici! Cela dit, cet article dit qu’on ne connait pas les doses reçues par un certain nombre de liquidateurs. Il était possible de savoir combien de personnes ont été suivies correctement dès le début d’après les registres, et de les déduire du nombre total de liquidateurs employés, de manière à calculer le nombre de cas douteux. Les registres existent puisque les débits de doses ont été publiés ( sinon, comment saurait-on qu’une grosse centaine a reçu autour de 100 mSv?) Ce qui n’a pas été fait . Pourquoi?


  1. Le charbon, c’est bon. Le charbon blanc, c’est excellent.
    Ah zut, c’est pas ça qu’il fallait dire…

  2. J’ai traduit un article paru en 2003 (!) dans le supplément dominical duquotidien espagnol El Mundo. Le titre « Les mendiants, esclaves du nucléaire au Japon.

    Ce journal dévoilait déjà ce que tout le monde découvre aujourd’hui : le scandale des travailleurs précaires souvent recrutés parmi les SDF, par les maffias locales.

    Vous pouvez le trouver par exemple sur ce site qui a repris l’info :
    http://www.dissident-media.org/infonucleaire/Les_mendiants_japon.pdf

    Edifiant

    C. Berdot


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