En tectonique, le Japon est à côté de la plaque

© Making-Things-Better/Flickr (Creative Commons)
© Making-Things-Better/Flickr (Creative Commons)

La charge est de taille. Dans une tribune à paraître jeudi dans Nature, le sismologue Robert Geller, de l’Université de Tokyo, rue dans les brancards: les autorités en charge du risque sismique au Japon s’appuient sur une science pipée et antédiluvienne. Selon lui, il faut entièrement repenser la gestion des séismes au Japon.

Geller rappelle que depuis 20 ans, des sismologues alertent sur l’impact des séismes et tsunamis sur la sécurité des centrales nucléaires japonaises. Un prêche dans le désert. Pour Geller, tout repose au Japon sur l’idée qu’on peut prévoir certains tremblements de terre comme l’hypothétique «séisme du Tokai» (une magnitude de 8, dans la baie de Suruga) qui sert de référence aux modélisateurs japonais. Une expression qui serait référencée 1,78 millions de fois dans la version japonisante de Google, tellement elle est passée dans les mœurs.

Pour Geller, si la sismologie avait pu croire depuis les années 1960 qu’on parviendrait à prévoir les séismes en analysant des signaux avant-coureurs (variation de vélocité des ondes sismiques dans l’écorce terrestre), «il est clair pour la plupart des chercheurs depuis la fin des années 1970 que ces précurseurs supposés n’étaient que des artéfacts». Et notamment depuis le séisme de Tangshan (Chine) en 1976, que personne n’avait prévu et qui tua 240000 personnes.

Les séismes meurtriers depuis 1979 se sont produits dans des zone à risque sismique modéré © Nature
Les séismes meurtriers depuis 1979 se sont produits dans des zone à risque sismique modéré © Nature

Selon Geller, l’idée de l’imminence du séisme du Tokai (magnitude 8, selon les modèles) s’est tellement répandue dans les années 1970 que le Parlement japonais a légiféré en 1978 (loi LECA), obligeant l’Agence météorologie japonaise à surveiller les «précurseurs» de l’hypothétique séisme, 24 heures sur 24, pour permettre au gouvernement de décréter l’Etat d’urgence avant sa survenue. Geller rappelle qu’il existe désormais beaucoup plus d’observatoires que dans les années 1970, et que si le séisme du Tokai devait être prévisible, alors «il serait sûrement possible aujourd’hui de prévoir tous les séismes de magnitude 8».

Et il y a pire, selon Robert Geller. Depuis que la loi LECA a été votée, tous les séismes meurtriers survenus au Japon l’ont été dans des zones où la probabilité qu’une secousse survienne était modérée. Bref, toutes les cartes de risque sismique au Japon sont à jeter à la poubelle. «Il est temps de dire clairement au public que les séismes ne peuvent être prévus, d’abandonner le système de prévision Tokai, et d’abroger la loi LECA. Tout le Japon est soumis à un risque sismique et l’état actuel de la science ne permet pas de différencier de manière fiable le niveau de risque d’une région géographique particulière. Nous devrions dire à la place au public et au gouvernement de se préparer à l’inattendu et de communiquer au mieux sur ce que l’on sait et que l’on ne sait pas.» Le sismologue de conclure: «A l’avenir, la recherche en sismologie doit s’appuyer sur de la bonne science, et être dirigée par les meilleurs scientifiques du Japon, et pas par des bureaucrates sans visage.»

Ça laisse songeur, non?

9 commentaires

  1. Oui ça laisse songeur, mais chez nous on fait quoi !
    Que va faire M Estrosi quand Nice va être shakée !

  2. Ce qu’il est impossible de prédire, c’est quand va se produit un séisme et son intensité exacte. Par contre prédire où, au moins dans les grandes lignes, c’est tout à fait possible. Au Japon, la côte Est est menacée partout en permanence, parce que la plaque Pacifique et la plaque des Philippines plongent à cet endroit sous le Japon. Et les zones où prévoir les séismes les plus importants sont celles qui sont restées »muettes »pendant longtemps, comme précisément celle qui vient d’être affectée, parce qu’elles sont le lieu d’accumulations de contraintes qui ne sont pas relâchées périodiquement par de petits séismes.
    Quant aux bureaucrates sans visage qui gouvernent la sismologie au Japon, n’y a-t-il pas quelque exagération?

  3. Effectivement ce n’est pas simple, et il ne faut pas tomber dans le simplisme. Faire croire comme certains que nous sommes menacés sur la côte Atlantique française d’un tsunami comme celui qui vient d’avoir lieu au Japon, par exemple. Ceux qui essaient de persuader l’opinion de cette éventualité ne devraient -ils d’ailleurs pas défiler dans les rues pour exiger l’évacuation immédiate de tous les habitants de la côte Atlantique?

  4. Se pourrait il qu’un séisme d’une magnétude au delà de 9 sur l’échelle de Richter puisse amène une partie du Japon a disparaitre ou pire que les centrals nucléaire viennent a copier Tchernobyl puissance10 000?

    1. En tout cas probablement pas à court terme puisque le glissement brusque de la zone de subduction qui est à l’origine du tremblement de terre (y compris les répliques) et du tsunami a libéré l’essentiel de l’énergie accumulée dans cette zone par le contact des trois plaques (eurasienne, pacifique, philippine).
      Le séisme de Tohoku du 11 mars est le quatrième plus grand séisme jamais mesuré dans la fosse du Japon.
      On peut tout de même s’étonner de la hauteur des murs anti-tsunami qui protégeaient la centrale de Fukushima (11m) alors que des hauteurs de vagues de 30 mètres n’étaient pas improbables (voir l’article de pour la science en réference de mon précédent post)!

    2. rectificatif : le mur de protection à Fukushima était calibré pour resister à des tsunami de 5,2 mètres de haut (le tsunami y a atteint 14 m de haut).
      Un mur de 11 m était érigé dans la ville de Taro…

      1. 14 mètres ?! C’est haut tout de même..

  5. Bonjour, je doute que ce soit la bonne solution.
    Ce n’est que mon avis personel.
    Tshouss Milouzzzzz !

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