Ça piétine dur dans les parcs glaciaires des Andes

Au bord du lac Peho (Chili) © Incahuella
Au bord du lac Peho (Chili) © Incahuella

Depuis le dernier article, nos pas nous ont mené jusqu’au très célèbre parc Torres Del Paine en Patagonie chilienne, paradis pour randonneurs en goretex. Pas loin de 200 000 visiteurs viennent admirer Torres del Paine chaque année, entre octobre et mars pour profiter de l’été austral. Cette fréquentation en fait un des parc naturel le plus visité du Chili.

Deux circuits de randonnées sont particulièrement connus : le « W » (le plus fréquenté de tout le parc), pour lequel il faut compter 4 à 5 jours de marche, et le « O » qui se réalise en 10 jours environ.

Pour nous imprégner de l’atmosphère du parc, nous nous sommes lancées à l’assaut du plus grand circuit et avons ainsi parcouru 140km en autonomie.

Le parc Torres Del Paine est assez particulier puisqu’une partie de ses terres appartient toujours à un propriétaire privé. Pour créer ce parc, l’Etat a en effet peu à peu racheté les terrains des anciennes estancias (grandes propriétés agricoles) qui s’y trouvaient. Cependant, un des propriétaire a refusé de vendre ses terres, ce qui est aujourd’hui encore source de complications pour la CONAF. Cette estancia, particulièrement bien située car au milieu du « W », a depuis décidé de recentrer ses activités vers le tourisme entre autre avec la mise en place de campings payants ou l’organisation de sorties guidées (à cheval, sur glaciers, etc.).

Parc National Torres del Paine

Superficie : 242 242 ha

Date de création : 1959

Localisation géographique : Environ 150km au Nord de Puerto Natales (Chili)

Point culminant : Cumbre Principal (3050m)

Organisme de gestion du parc : CONAF (COrporación NAcional Forestal)

Ecosystèmes types :

  • Forêt magellanique décidue (Nothofagusbetuloides, Nothofagus antarctica, Nothofaguspumilio et Drimyswinteri)
  • Steppe patagone (Festuca gracillima, Baccharis magellanica)
  • Désert andin (Hamadryas delfinii, Oxalis enneaphylla)
  • Matorral pré-andin (Mulinum spinosum, Escalloniarubra, Pernettyamucronata)

Espèces animales emblématiques :

  • Puma (Puma concolor patagonica)
  • Guanaco (Lama guanicoe)
  • Nandou de Darwin (Rhea pennata)
  • Huemul (Hippocamelus bisculus)
  • Condor des Andes (Vultur gryphus)

Espèces exotiques :

  • 85 espèces de plantes exotiques, surtout dans les familles Poaceae et Asteraceae
  • Lièvre du Cap (Lepus capensis)
  • Truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss)

Problématiques écologiques majeures :

  • Sur-fréquentation des sentiers
  • Raréfaction des vieilles forêts à cause de plusieurs épisodes incendiaires

En 10 jours nous avons sillonné un bon nombre de sentiers dans le parc et le constat est plutôt inquiétant : Avec l’augmentation de la fréquentation touristique, les sentiers se dégradent très rapidement. Nous avons été particulièrement frappées par le nombre impressionnant d’arbres tombés, gisant en plein milieu des chemins ainsi que par les très grandes zones de boue à traverser en faisant maintes acrobaties. Les conséquences sont inévitables : élargissement des sentiers, voire création de plusieurs chemins secondaires. Cela engendre une dégradation assez forte des écosystèmes en induisant par exemple un piétinement de la strate arbustive, ou en infligeant un stress important sur les racines des arbres, à cause du tassement du sol. La régénération naturelle de ces écosystèmes est donc bien plus faible dans les zones traversées par les sentiers.

Ce phénomène est surtout dû au passage des randonneurs, mais il est amplifié par les allées et venues répétées des chevaux et des 4×4 pour réapprovisionner les différents campements. De plus, en traversant les cours d’eau, ces derniers détruisent les berges et favorisent localement l’apport de sédiments, ce qui à long terme pourrait entraîner l’eutrophisation de ces zones.

De manière générale, nous avons remarqué que les sentiers situés dans la partie privée sont mieux entretenus. En effet, l’estancia a délégué l’entretien des chemins à une association locale nommée AMA, qui s’appuie sur le travail de nombreux bénévoles venant du monde entier. Cette association concentre ses efforts sur la réhabilitation des sentiers (balisage, fermeture et revégétalisation des chemins secondaires, séparation des sentiers pour randonneurs et pour chevaux, etc.) et sur la sensibilisation des touristes ainsi que des locaux. La CONAF quant à elle s’investit énormément dans la prévention des feux auprès des touristes, depuis l’incendie accidentellement déclenché par un campeur en 2005 et ayant ravagé 7% de la superficie du parc.

Après ces 10 journées passées à Torres del Paine, c’est avec un sentiment de mission accomplie et surtout avec des étoiles plein les yeux que nous nous sommes dirigées vers El Calafate en Argentine où nous avons passé quelques temps pour nous reposer avant de continuer notre route.

El Calafate est le point d’accès le plus proche pour aller admirer le célèbre glacier El Perito Moreno, dont l’immense langue de glace se déverse dans le lac Argentino. Ce glacier est réputé pour ses dimensions impressionnantes (tout de même 60m de hauteur, 5km de large et 22km de long), ainsi que pour les nombreux blocs de glace qui s’en détachent à longueur de journée. Il a aussi l’énorme avantage d’être facile d’accès, ce qui explique l’important développement touristique de la région.

Pour nous, après avoir passé presque 3 jours à randonner le long du majestueux glacier Grey à Torres del Paine, le Perito Moreno semblait un peu trop facile : On ne peut le contempler que de 8h à 20h (horaires d’ouverture du parc), en compagnie de plusieurs centaines de touristes et tous concentrés sur d’énormes passerelles en métal qui ont plutôt tendance à gâcher le paysage. Mais on a beau dire, c’est spectaculaire !

Zoom sur les glaciers des Andes

Le Perito Moreno, au même titre que le glacier Grey, fait partie de ce qu’on appelle le « Campo de Hielo Sur », la plus grande zone de glace continentale de la Cordillère des Andes. Cette zone représente 3% des glaciers mondiaux. Comme partout, les glaciers des Andes sont en train de fondre. Il semblerait d’ailleurs que les glaciers se déversant dans un lac soient encore plus sensibles au réchauffement climatique que les autres glaciers de montagne. Or la majorité des glaciers du Campo de Hielo Sur se terminent dans des lacs.

Le Perito Moreno se déverse dans le lac Argentino. quand la langue glaciaire rejoint la péninsule d’en face, le glacier sépare alors le bras Rico du lac reste du lac Argentino © DR
Le Perito Moreno se déverse dans le lac Argentino. Quand la langue glaciaire rejoint la péninsule d’en face, le glacier sépare alors le bras Rico du lac reste du lac Argentino © DR

Chose surprenante : le Perito Moreno, lui, ne fond pas ! C’est un des deux seul glacier des Andes qui reste stable (avec le glacier PIO XI), avec parfois même des poussées de croissance. La dernière date de 2003, lorsque la glace a rejoint la péninsule de Magellan, séparant le bras « Rico » du reste du lac Argentino. Cette séparation de glace s’est rompue en 2004 sous la pression des eaux du bras Rico qui étaient 10m plus haut que celles du reste du lac et qui érodaient peu à peu le glacier.

Le glacier Grey, lui, connait une fonte accélérée depuis quelques dizaines d’années, comme le montrent assez clairement les dernières images de la NASA.

Nous reprenons la route avec l’envie d’en découvrir toujours plus, et c’est donc dans le parc national Los Glaciares au pied du mont Fitz Roy que nous nous dirigeons. A bientôt donc pour de nouvelles chroniques de la Cordillère.

Evolution du glacier Grey entre 1986 et 2007 © Nasa
Evolution du glacier Grey entre 1986 et 2007 © Nasa

Les parcs glaciaires des Andes en images

Le glacier Grey à Torres del Paine © Incahuella
Le glacier Grey à Torres del Paine © Incahuella
10.02.2011. Un reste du pont glaciaire issu de la dernière poussée de croissance du Perito Moreno en 2003 © Incahuella
10.02.2011. Un reste du pont glaciaire issu de la dernière poussée de croissance du Perito Moreno en 2003 © Incahuella
10.02.2011. 60m de haut, 5km de large et 22km de long, c'est vrai que c'est sacrément impressionnant © Incahuella
10.02.2011. 60m de haut, 5km de large et 22km de long, c'est vrai que c'est sacrément impressionnant © Incahuella

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