Avis de chaud-froid sur l’Arctique

L'été au Groenland, l'eau de fonte en surface converge vers des «moulins» qui se déversent dans les entrailles des glaciers © Nasa
L'été au Groenland, l'eau de fonte en surface converge vers des «moulins» qui se déversent dans les entrailles des glaciers © Nasa

Ça c’est une surprise. Il semble que l’été ne soit pas si néfaste que cela à la calotte glaciaire du Groenland. Des travaux publiés la semaine dernière montrent qu’au contraire, les étés les plus chauds n’accélèrent pas la débâcle de glace dans l’océan (1)…

Une calotte glaciaire du Groenland est comme posée sur une sorte de tapis roulant. La glace fait mouvement vers la mer, drainée par une couche d’eau qui joue un rôle de lubrifiant et réduit la friction avec la roche. Une eau qui provient de la fonte l’été en surface, et s’infiltre au cœur du glacier dans ce que les chercheurs appellent des moulins. Rappelez-vous l’histoire des petits canards bourrés de capteurs que la Nasa avait déposé dans un moulin pour étudier la question (2).

Logiquement, les scientifiques estimaient donc jusqu’à présent, sans en avoir la preuve, que les années les plus chaudes, la fonte de surface étant accélérée, cela jouerait sur la vitesse de déplacement de la glace vers l’océan. Il semblent bien qu’ils se trompaient.

Les chercheurs belges et britanniques ont observé avec soin les images satellites de plusieurs glaciers au sud-ouest de la calotte du Groenland. En 1995, par exemple, la vitesse de déplacement de ces glaciers —mesurée entre deux images obtenues à un mois d’écart— atteignait 200 à 600 mètres par an. Mais les étés les plus chauds ne marquent pas d’accélération, c’est même l’inverse qui se produit. Comme si, quand la fonte est plus intense en surface, l’eau était mieux drainée, et affaiblissait la «lubrification» de la glace, ce qui a déjà été observé dans des glaciers d’Alaska.

Les données sont encore très minces, puisqu’elles ne portent que sur quelques années. Mais elles confirment qu’on n’a pas encore compris grand chose sur le fonctionnement des glaciers du Groenland. Evidemment, on en saurait un peu plus si les canards de la Nasa voulaient bien réapparaître. Mais plus de deux ans après le début de leur voyage, ils semblent se plaire dans les entrailles du pays blanc.

En rouge, le courant qui apporte de la chaleur vers l'Arctique. En blanc, le mouvement des glaces de mer © R. Spielhagen et al./Science
En rouge, le courant qui apporte de la chaleur vers l'Arctique. En blanc, le mouvement des glaces de mer © R. Spielhagen et al./Science

Si ces travaux sont confirmés, cela signifierait que le réchauffement climatique n’accélère pas la disparition de la calotte du Groenland. Il n’y aurait donc pas d’effet «boule de neige» à ce niveau. Ce qui ne signifie pas, bien sûr, que l’évolution climatique ne joue aucun rôle sur l’avenir de ces glaces continentales.

D’ailleurs, d’autres travaux sont venus souligner à quel point le climat de l’Arctique est en surchauffe (3). Entre le Groenland et l’archipel norvégien de Svalbard, le courant océanique qui remonte vers le Nord affiche une température de 6°C ces dernières années, un record. Depuis deux mille ans, la température y aurait grimpé de 2,6°C. Calculée par rapport à 1890, la hausse s’établit à 0,8°C (4). Signe que l’océan Arctique reçoit plus de chaleur de son voisin Atlantique.

(1) Nature du 27 janvier 2010.
(2) Lire «Avec la Nasa, les glaciers cancanent » et «Les canards de la Nasa sont portés disparus ».
(3) Science du 28 janvier 2010.
(4) Ces données sont obtenues par l’analyse de foraminifères, de minuscules organismes unicellulaires recouverts d’une coquille calcaire qui sont piégés dans les sédiments.

8 commentaires

  1. Ca c’est une bonne nouvelle – ça va tenir plus longtemps que prévu. Incidemment, cela est une preuve supplémentaire que les cris « le Groenland était vert !  » sont erronés (mais une lecture de Jared Diamond et des archéologues ayant travaillé sur les sites d’implantation viking au Groenland en apportait une preuve suffisante)

    La mauvaise nouvelle, c’est que la glace marine arctique disparaît plus vite que prévu. Et comme c’est la glace marine qui couvre le plus de surface, qui en disparaissant provoque un changement d’albédo important et qui repose sur une capacité calorifique importante capable de recirculation, ça craint.

    A voir donc comment le bilan va changer. Est-ce que la non-accélération des glaciers groenlandais va changer la donne ?

    1. Les glaciers subissent deux effets: il y a la fonte, dont on parle ici, et il y a les phénomènes de ruptures sur les bords des glaciers. Les deux sont importants pour comprendre la dynamique des glaciers groenlandais, et selon les années ou les conditions, c’est l’un ou l’autre facteur qui prime.
      Les glaciers groenlandais perdent environ 300 à 400 kilomètres cubes de glace par an (si ma mémoire ne flanche pas), et quoi qu’il arrive, cela ne changera probablement pas beaucoup, car il y a le relief qui fait blocage.
      En revanche, les mêmes phénomènes sont à l’œuvre en Antarctique, et là, tous les paris sont ouverts.

      1. Les glaciers sont dépendants de deux facteurs l’alimentation et l’ablation, la fonte et le glissement font partie de l’ablation. Vu la masse des glaciers de l’inlandsis groenlandais l’inertie thermique est énorme, donc le réchauffement n’a que peu d’influence sur eux, sauf en cas d’augmentation des précipitations où là on verrait les glaciers progresser (et oui le réchauffement peut faire progresser des glaciers). Par contre la diminution de la banquise arctique peut devenir un facteur d’accélération de l’écoulement des glaciers en effet lorsque la banquise atteint la cote, elle sert de frein à la formation de langue glaciaire.

        Domage pour les sceptiques qui vont sauter sur l’occasion, mais le fait que les glaicers ne fondent pas aussi vite que prévu n’est pas un signe de non réchauffement.

      2. Si je comprends bien, quand on annonce que les glaciers fondent, c’est à cause du réchauffement climatiques et quand on annonce qu’ils ne fondent pas, c’est aussi à cause du réchauffement climatique. C’est du grand art.

        Coluche aurait dit : « Quand on ne sait pas, on ferme sa g… »

      3. Author

        GML, vous n’en ratez pas une, vous êtes tellement prévisible. Qui a dit que la calotte du Groenland ne fond pas? Relisez ou changez de lunettes, à moins que cela soit de neurones…

      4. J’ai ajusté mes lunettes et j’ai relu. Je répondais à Robert :  » le fait que les glaciers ne fondent pas aussi vite que prévu n’est pas un signe de non réchauffement ».

        Mal lu ?

  2. Dans le domaine des “non-compréhensions” des phénomènes, il y a eu aussi l’étude de Wu et al “Simultaneous estimation of global présent-day water transport and glacial isostatic adjustment” publiée le 15 août 2010. A voir sur http://timeecocentric.files.wordpress.com/2010/09/ngeo938-aop.pdf notamment la figure 1.
    Cette étude aboutit à montrer que l’évolution de la fonte des glaces était largement surestimée. En réalité elle est environ 2 fois moins forte que prévue. Cela remet en cause aussi, de fait, l’importance de sa contribution à l’élévation moyenne du niveau des océans.

  3. GML @

    «  » » »J’ai ajusté mes lunettes et j’ai relu. Je répondais à Robert : » le fait que les glaciers ne fondent pas aussi vite que prévu n’est pas un signe de non réchauffement ».

    Mal lu ? » » » »

    Non vous n’avez pas mal lu, un glacier peut progresser pendant une période de réchauffement surtout au groenland.

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