Drill, baby, drill en version russe à Vostok

Le lac Vostok, vu du satellite Radarsat © Nasa (*) «Fore, bébé, fore»
Le lac Vostok, vu du satellite Radarsat © Nasa (*) «Fore, bébé, fore»

Drill, baby drill… (1) On connaissait le slogan dans la bouche de Sarah Palin, l’égérie des conservateurs américains, qui voit du pétrole partout. Mais les scientifiques du programme Antarctique russe l’ont repris à leur compte. Ils se sont lancés dans une course contre la montre pour atteindre la surface du lac Vostok, enfouie sous près de quatre kilomètres de glace, en espérant y découvrir des traces de vie.

Voilà plus de vingt ans que les Russes forent à Vostok, à 1300 kilomètres du Pôle Sud. Et la paléoclimatologie, l’étude des climats passés, a fait de grands pas à Vostok, tout comme le forage européen Epica, près de la base Concordia. Parce que les carottes de glace remontées du passé contiennent une foule d’information sur le climat. Mais la dernière étape du projet russe de Vostok ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique. Car en accédant au lac, qui n’est plus en contact avec la surface du continent depuis quinze millions d’années, les scientifiques russes risquent d’endommager ce qui est peut-être le dernier sanctuaire de vie encore inviolé par les hommes.

Selon Nature, il ne resterait que vingt à quarante mètres de glace à forer avant d’atteindre l’eau liquide. Et les russes font tout pour y parvenir avant le 6 février, quand le dernier avion quittera Vostok avant le retour de l’hiver Antarctique. Sinon, il faudra attendre décembre prochain pour reprendre les opérations.

Que trouvera-t-on dans ce lac? Difficile à dire. Des sédiments, sans doute, qui pourront encore faire progresser la science. De la vie figée depuis des millions d’années? Pas impossible. Les russes espèrent en tous cas conduire des analyses génétiques sur un éventuel matériel biologique récupéré dans le lac. Car il règne ici des conditions de vie qu’on pourrait retrouver ailleurs dans l’univers… Mais il faut d’infinies précautions pour être sûr que ce qui est analysé n’est pas le fruit d’une contamination depuis la surface du continent! Pour les Russes, interrogés par Nature, tout a été prévu, aucune contamination ou pollution (avec le lubrifiant de la foreuse) n’est possible. Mais selon Nature, de nombreux scientifiques restent dubitatifs, à l’instar de Jean-Baptiste Petit, du LGGE de Grenoble, qui estime qu’un forage «propre» n’existe pas.

Dans les 220 m d’épaisseur de glace d’accrétion (formée par le regel de l’eau du lac) à la surface de Vostok, les chercheurs ont déjà trouvé du matériel biologique dont l’origine fait débat. Une équipe a découvert une concentration élevée de bactéries, tandis qu’une autre, franco-russe estime que le matériel génétique, récupéré dans la glace, présente une forte ressemblance avec des bactéries connues, signe d’une contamination.

Mais il y aura peut-être une surprise au bout de la foreuse russe. Car, comme le rappelait fin décembre mon confrère du Temps, Olivier Dessibourg (2), certains chercheurs estiment qu’une fois « connecté » à la surface, le réservoir glaciaire du lac Vostok pourrait brutalement dégazer et exploser, vu sa forte concentration en oxygène…

(1) Pour la version russe —que je ne parle pas— j’ai donc confié le slogan de Palin à plusieurs outils de traduction en ligne.
(2) Précision: il est l’un de mes employeurs, mais son papier mérite vraiment d’être lu.

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