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«Le Nutella du pauvre», un business convoité

Il y a toujours un côté obscur de la force. Prenez cette annonce faite par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et l’industriel Nutriset: ils ont mis en ligne, gratuitement sur internet, le brevet du Plumpy’nut, un aliment «miracle» pour lutter contre la malnutrition. Mais une ouverture pas si généreuse que cela. Car derrière ce produit qui est devenu un must pour réalimenter les enfants, il y a de juteuses affaires et la menace d’une disparition des brevets à coup de boutoirs judiciaires.

Imaginé par un pédiatre de l’IRD, et co-développé avec Nutriset, le Plumpy est une pâte d’arachide bourrée de protéines, de vitamines, de sels minéraux et bien sûr de graisses. Formulé pour réalimenter les enfants en état de malnutrition. Plus pratique et plus sûr que les laits thérapeutiques (pas de dosage à effectuer, difficile d’en manger trop à la fois), il est aussi plus cher. L’Unicef, qui s’y connait en lutte contre la faim, serait devenu le premier et presque unique client de l’usine de Nutriset en France, expliquait le New York Times en septembre dernier. L’organisation onusienne achèterait 90% de la production de l’usine française.

Chez les deux partenaires, on ne se cache pas derrière son petit doigt. «C’est aussi une manière de répondre aux procédures lancées aux Etats-Unis pour casser les brevets», m’expliquait hier un responsable de l’IRD que j’ai eu très brièvement au téléphone. L’IRD et Nutriset sont accusés de vouloir créer un monopole, et donc de freiner la lutte contre la malnutrition. Mais la réponse semble bien timide, signe que les deux partenaires souhaitent garder la maîtrise de leurs brevets, et poursuivre leur programme d’affiliation. Vingt-huit pays seulement sont concernés (1) par l’exploitation «libre» des brevets. Tous africains.

Curieusement Haïti ne fait pas partie de la liste, en dépit de ses besoins alimentaires. Est-ce parce que là-bas deux fabricants en produisent une copie «non autorisée»? Je ne peux que vous recommander la formidable enquête qu’a consacré le New York Times à la saga du Plumpy’nut, en septembre dernier. On y découvre des dessous pas aussi philanthropiques qu’on aurait pu l’espérer.

[MAJ du 14 octobre @10h40] J’ai reçu ce matin un message d’un responsable de Nutriset. Au titre du Droit de réponse, je vous en livre la teneur.
«Votre billet contient une erreur. Haïti ne fait pas partie de la liste tout simplement parce que nous n’y détenons pas de brevet, et que tout le monde est libre d’y faire ce qu’il souhaite. MFK y fabrique d’ailleurs Medika Mamba, un équivalent de Plumpy’nut, depuis quelques années, et nous n’avons rien contre, bien au contraire. D’ailleurs, pour augmenter leurs capacités de production et leur niveau de qualité, ils s’apprêtent à rejoindre le réseau PlumpyField. Au-delà de Haïti, notre liste ne mentionne « que » 28 pays car cela représente l’intégralité des pays du Sud dans lesquels Nutriset et l’IRD codétiennent un brevet. Là où nous n’avons pas de brevets, encore une fois, chacun est libre de produire et distribuer des produits couverts par nos brevets.»

(1) Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée équatoriale, Guinée-Bissau, Kenya, Lesotho, Malawi, Mali, Mauritanie, Ouganda, République centrafricaine, République-Unie de Tanzanie, Sénégal, Sierra Leone, Soudan, Swaziland, Tchad, Togo, Zimbabwe.

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