Quand un shadock pompe, qu’est ce qui reste?

C’est une drôle d’épée qui plane au dessus des têtes des habitants de la vallée de Saint-Gervais. Une épée liquide, 65000 tonnes d’eau emprisonnées dans le glacier de Tête-Rousse, dans ce qui serait —malgré sa fraîche température— une véritable cocotte-minute sous pression qui menace d’exploser. C’est ce qui a été expliqué mercredi aux 3000 habitants du secteur. Dans une quinzaine de jours, démarreront des forages dans le glacier, pour aller pomper l’eau. Une bagatelle qui prendra plusieurs semaines et 2 millions d’euros. Il faut dire qu’un événement similaire s’est produit en 1892, tuant 200 personnes dans la région, alors ça vaut bien un petit effort.

Maintenant que tout cela est dit, voici la question du jour. Que va-t-il se passer, une fois le pompage achevé, dans le volume resté vide, qui représente tout de même l’équivalent d’une vingtaine de piscines olympiques?

7 commentaires

  1. 65,000 cubic meters of water = 65 000 mètres cubes, et pas 65.

    Ce n’est pas si cher que ça, 2 millions! Cela fait 3 centimes le litre d’eau de glacier, ce qui est raisonnable, lorsqu’on connait le prix de l’Evian…


  2. Je trouve très instructive la manière dont la presse a traité cette affaire : manifestement, elle ne s’est absolument pas posée la question de la pertinence de ce traitement sur les populations locales et leur activité. Je peux en témoigner, dans la mesure où (1) je m’intéresse aux glaciers et à la glaciologie depuis de nombreuses années (y compris en allant régulièrement dessus), (2) je connais très bien l’endroit (la commune de St-Gervais-les-Bains, ses différents villages, et le glacier de Tête-Rousse), (3) j’étais sur place ces dernières semaines lorsque cette «affaire» est sortie dans la presse.

    Tout d’abord, ces quelques rappels : même si elle n’a été détectée que récemment, la «poche d’eau» n’est a priori pas récente. En fait, on ne sait pas si elle est là depuis 10 ans ou même 30 ans ! (Ou seulement 3 ans.) Si elle a été découverte au début de cette année, c’est parce que des scientifiques ont décidé, dans leur coin, de se lancer dans ce type d’études sur ce glacier précis en 2007. Par ailleurs, si le volume de l’anomalie sous- ou intra-glaciaire a été évalué à 65 000 m3 à la fin de l’hiver, on ne sait pas si elle est entièrement remplie d’eau : pour l’instant, à ma connaissance, on n’a réussi à localiser qu’une poche d’environ 25 000 m3 d’eau au fond du glacier (vous allez me dire, c’est déjà pas mal… Mais ça fait quand même une sacrée différence.)

    Bref, pour reprendre les termes du communiqué du maire de St-Gervais, Jean-Marc Peillex, «si la présence d’eau est avérée, il est bien évidemment impossible de savoir depuis quand cette poche d’eau est présente dans le glacier. Personne ne peut donc affirmer que le risque est imminent, personne ne peut non plus affirmer qu’il n’existe pas de risque.» Et des mesures de protection (mise en œuvre du pompage) et d’alerte de la population concernée (organisation d’un plan d’évacuation quartier par quartier, réunions d’information des habitants, test des sirènes, …) ont été prises à partir du moment où la présence d’eau a été avérée (forages conduits début juillet).

    J’ai donc été extrêmement surpris du très grand le décalage entre ce constat et les termes alarmistes que j’ai retrouvés de manière assez systématique dans la presse, dans Le Figaro ou l’Express par exemple : «des glaciologues ont révélé l’existence….», «une poche d’eau d’au moins 65 000 m3», «1892. […] Les 100.000 tonnes d’eau se déversent en quelques minutes dans la vallée. […] La lave emporte avec elle les vies de 175 personnes. […] La découverte d’une nouvelle poche d’eau, d’un volume estimée à 65 000 m3, sous le même glacier, vient aujourd’hui raviver le douloureux souvenir. […] Une nouvelle poche menace la vallée.», «une réunion de crise s’est tenue hier à St-Gervais», etc.

    Il semblerait même qu’un journal télévisé (TF1 ?) ait fait un reportage encore plus alarmiste : le même soir de la semaine dernière, en moins d’une heure, j’ai reçu 3 coups de fil de personnes parentes qui étaient affolées par les risques que je courais parce que j’étais sur place ! (Pour ma part, je n’ai pas vu le reportage, car je n’avais pas la télé à St-Gervais : je me fais toujours une cure zéro-télé quand j’y suis 🙂 ) Précisons au passage que la moitié de la population du village n’est absolument pas concernée par le problème (seuls une partie d’un des versants et le fond de la vallée sont exposés.) Mais c’est sans doute un détail…

    Bref, j’ai la nette impression que cette information a été traitée comme si c’était la news du siècle que tout le monde voulait garder cachée et que la presse déterrait. Alors qu’en l’espèce, les responsables politiques locaux (mairie de St-Gervais, préfecture de Haute-Savoie, …) ont plutôt fait leur boulot. Ainsi le système d’alerte aux populations était-il (enfin ?) opérationnel au moment même où la presse nationale publiait l’affaire : bonjour la news du siècle ! (Vous croyez que ce genre de choses, ça se met en place en seulement 24 heures chrono ?)

    Il y avait pourtant bien d’autres manières de donner la même info : la news AFP, par exemple (http://news.fr.msn.com/m6-actualite/article.aspx?cp-documentid=154243737 ) me semble complète et pourtant elle arrive à rester factuelle ! Et puis surtout, la presse en a parlé le 28 juillet, et depuis ? Plus rien ! Des mesures sont-elles prises ? Lesquelles ? Quelle réduction de risque pour les villageois et les touristes ? Silence intégral. On est déjà parti voir ailleurs.

    Et en attendant, ce sont les populations locales qui souffrent le plus de l’émotion soulevée par ce traitement sensationnaliste : alors que la vallée de St-Gervais vit essentiellement du tourisme, des annulations de réservation inattendues ont été constatées dans les jours qui ont suivi la publication de cette affaire au niveau national (alors que l’endroit n’est pas plus dangereux qu’il y a un an ou deux), y compris pour des lieux de vacances qui ne sont absolument pas concernés par une éventuelle rupture d’une poche d’eau du glacier de Tête-Rousse. Certaines activités ont été stoppées pour le reste de la saison (et l’après-saison) par précaution supplémentaire, y compris lorsque ce n’était pas strictement nécessaire (c’est sans doute le cas, par exemple, du dernier tronçon du TMB et du refuge du Nid d’Aigle, qui attirent pourtant de nombreux touristes non familiers de la montagne.)

    Enfin, pour conclure sur une note moins remontée, je vais essayer de répondre, dans la mesure de mes connaissances, à la dernière question de Denis : «que va-t-il se passer, une fois le pompage achevé, dans le volume resté vide ?»

    Si je peux me permettre, la formulation de la question me semble orientée : la question est posée comme s’il y avait un «avant la purge», avec une poche pleine d’eau, et un «après la purge», avec un grand trou vide, mais pas de «pendant la purge». Autrement dit, comme si la poche était vidée brutalement et presque instantanément. Dans ce cas précis, on peut bien sûr s’attendre à ce que la glace s’effondre au dessus de la poche, comme en 1892, fabriquant un grand puits depuis la surface (Le Figaro en donne une photo d’archive dans son article : http://www.lefigaro.fr/environnement/2010/07/29/01029-20100729ARTFIG00352-mont-blanc-une-poche-d-eau-glaciaire-menace-les-vallees.php )

    Mais le but de la purge artificielle, c’est précisément de purger en douceur. Donc d’éviter les chocs brutaux. Et là, il est tout à fait possible que la glace se déforme légèrement en s’enfonçant légèrement sans s’effondrer, et forme une petite dépression en surface. Il est également possible que le glacier ne se déforme pas (la poche localisée est sous 75 mètres de glace) et que le trou subsiste jusqu’à ce qu’il atteigne le bout de la langue glaciaire ou un endroit en aval où le socle rocheux remonte par rapport au fond du glacier (n’oublions pas qu’un glacier coule lentement mais en permanence de l’amont vers l’aval, été comme hiver, et que des tunnels sous-glaciaires peuvent tout à fait subsister longtemps après la disparition des rivières sous-glaciaires qui les ont créés : c’est un phénomène fréquent, il me semble, sous la Mer de Glace, par exemple.)

    «Il est possible…», «il est également possible…» : vous allez me dire, ça manque de certitudes, tout ça. C’est vrai. Le hic, c’est qu’à ma connaissance, on ne sait pas trop. C’est bien pour cela que l’on surveille ce glacier et qu’on va le surveiller encore plus au moment de la purge et essayer d’éviter toute rupture brutale.

  3. Le glaicer de Tête rousse est surveillé depuis longtemps, Un tunnel de vidange (allant vers Bionnassay) a été construit et a permis en 1904 de vidanger 22000m3 qui s’étaient accumulé depuis 1892. La sortie de ce tunnel est régulièrement entretenue. Dans ce genre d’accidents, il n’y a pas que l’eau a prendre en compte il y a galement les quelques milliers de tonnes de glace formant le verrou glaciaire et tout ce que l’érosion va engendrer arbres, rochers etc…
    Que les médias aient exagérés n’est pas le problème, le problème est que ce qui s’est passé en 1892 ne se reproduise pas.

  4. Ben justement si : que les médias aient exagéré et dramatisé la situation à leur profit, c’est aussi un problème.

    Ça n’aurait pas été un problème si les responsables politiques avaient fait preuve d’incurie : les bénéfices (secouer le cocotier pour forcer les responsables politiques à agir) auraient été bien supérieurs aux inconvénients (impact sur l’économie locale du fait de l’affolement des touristes).

    Ça devient un problème si affoler tout le monde — sauf les gens sur place, ceux qui sont vraiment concernés — est le seul résultat atteint parce les responsables politiques avaient déjà pris leurs responsabilités et les décisions qui s’imposent. Ce qui est manifestement le cas ici.

    1. «  » » »Ben justement si : que les médias aient exagéré et dramatisé la situation à leur profit, c’est aussi un problème. » » » »

      Au vu de ce qui s’est déja passé, je ne pense pas que les médias aient exagéré tant que ça, Je reprends les mots prononcés par le maire de St. Gervais : »Il ne faut pas se voiler la face, l’urbanisation et la fréquentation touristique du glacier rendent le risque bien plus important qu’en 1892″, quand aux pertes touristiques, ça sera vite compensé….

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