A beau navire, petites prises

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

La modernité ne servirait à rien? On peut se poser la question, du moins en terme de pêche, si j’en crois ce que j’ai sous les yeux. Une étude qui démontre combien il est devenu difficile de ramener du poisson, en dépit des fantastiques progrès dans les techniques de pêche: la flotte britannique ramène proportionnellement 17 fois moins de poisson aujourd’hui qu’il y a presque cent-vingt ans (1). Et n’allez pas en déduire que nos voisins sont des bras cassés!

N’en déplaise aux chantres de la technologie-qui-vole-toujours-au-secours-de-l’humanité, cela ne fait jamais de mal de se replonger un peu dans le passé. C’est ce qu’on fait trois chercheurs de l’Université britannique de York, et de la Marine Conservation Society. Ils relèvent qu’avec l’apparition des chalutiers à vapeur et le conflit naissant avec les pêcheurs à la voile, les britanniques ont entrepris dès 1889 de consigner les prises de pêche sur des registres. Des registres qui avaient été négligés. Les trois chercheurs ont donc entrepris de collecter les données sur une douzaine d’espèces. Le verdict est sans appel. Après avoir culminé au sortir de la seconde guerre mondiale, les prises se sont effondrées à partir des années soixante-dix. Et si on compare ces chiffres avec la puissance engagée pour pêcher (2), on est proprement scotché: à puissance égale, un chalutier ramenait plus de 60 tonnes au port en 1889, moins de 4 tonnes aujourd’hui! (3)

On comprend donc que les filets high tech, sonar et autres GPS ne peuvent pas grand chose face à la raréfaction du poisson. Suivant les espèces étudiées, le déclin des prises s’affiche à 99,8% pour le flétan (soient des prises 500 fois plus faibles aujourd’hui qu’il y a 120 ans), 97% pour la plie, 86,6% pour la morue, 94% en moyenne sur les espèces recensées… Impossible d’en déduire que les stocks de pêche ont baissé d’autant, mais on voit bien que la tendance n’est pas à la fête. A Bruxelles, la CE estime que les stocks halieutiques ont baissé de 88% dans les eaux européennes au cours des dernières décennies. Une évaluation qui ne paraît pas si absurde…

Fort heureusement, les marins risquent moins leur peau aujourd’hui qu’il y a un siècle (4) quand ils posent leur barda sur le navire. Mais, en Europe du moins, l’espèce est en voie de disparition.

(1) Nature Communications du 4 mai 2010.
(2) L’unité retenue est le « smack », puissance d’un chalutier à voile de la fin du XIXe.
(3) Ces données ont été comparées avec des chiffres officiels de Londres sur le « tonnage capturé par cent heures de chalutage », et la correspondance est presque parfaite.
(4) Si on calculait le nombre de décès annuel rapporté au tonnage pêché, on serait peut-être très surpris…

5 commentaires

  1. Bonjour,

    Ceci confirme ce qui était connu. Scientific American avait publié un article il y a qqs années où on indiquait qu’à l’époque la pêche était proportionnelle aux nombres de bateaux, tandis qu’aujourd’hui, c’est devenue proportionnelle à la quantité restante en mer. Et comme cette quantité est en baise, la quantité pêchée l’est aussi, peu importe le nombre de bateaux.

    Et déjà, ils disaient que l’humanité, en 2003 (si ma méoire est bonne) avait dépensé plus de 100 milliards de dollars pour ramener pour 75 milliards de dollars de poisson: donc au niveau mondial, cela fait longtemps que la pêche n’est plus rentable.

  2. Pour les pêcheurs , un bon poisson est un poisson mort ! ah ah vivement qu’il n’y ai plus rien, on se demande sur qui ils vont rejeter la faute !

    1. Author

      Vous oubliez que les Etats ont subventionné massivement la pêche et que sans consommateurs, l’activité serait arrêtée depuis longtemps. On appelle ça une responsabilité collective!

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