Interdire le commerce du thon rouge, une idée qui fait son chemin

© NOAA
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Quelle sera la position des Etats-Unis sur le thon rouge? Alors que grandit le nombre de soutiens officiels à la proposition de classer l’espèce comme menacée d’extinction, et donc d’en interdire le commerce international, l’administration américaine reste muette. La conférence des parties signataires de la Convention internationale sur le commerce international des espèces menacées (CITES) s’ouvrira le 15 mars à Doha (Qatar). Elle doit notamment statuer sur la sauvegarde du thon rouge.

A Washington, la position américaine n’est pas tranchée. Du côté de l’Administration de l’océan (NOAA), la position est connue depuis l’automne: comme l’a proposée la principauté de Monaco, le thon rouge doit être inscrit à l’Annexe I de la CITES et son commerce international interdit. Mais du côté des affaires intérieures, l’administration s’est rangé derrière l’industrie halieutique américaine qui refuse cette idée. En octobre dernier, la Maison-Blanche avait expliqué qu’elle soutenait la proposition monégasque, mais qu’elle attendrait la décision de la Commission pour la conservation du thon Atlantique (ICCAT) pour se prononcer définitivement. Un mois plus tard, la Commission a rejeté le principe d’une interdiction du commerce de l’espèce, proposant de réduire les quotas de pêche annuels de 22000 tonnes l’an dernier à 13500 tonnes pour 2010. Depuis, les organisations écologistes assiègent Washington, convaincues de l’insuffisance des quotas et de l’existence d’une pêche illégale.

Au Japon, bien évidemment, on combat avec virulence tout classement du thon rouge comme espèce menacée. Le pays pourra probablement compter sur le soutien de la Grèce, de Malte, de la Turquie, de la Libye et de la Tunisie. La France et l’Italie, autre grands pays qui pêchent le thon, semble finalement prêtes à rejoindre Monaco (1). Et si tous les spécialistes du thon rouge ne considèrent pas que l’espèce a besoin de cette interdiction pour reconstituer son stock, le comité scientifique de la CITES a lui aussi pris position pour l’inscription du thon rouge à l’Annexe I. Et mercredi 10 février, le Parlement européen a voté à une large majorité une motion soutenant ce projet. Même s’il n’est pas sûr que cette pression « consultative » suffira à convaincre l’UE de soutenir officiellement l’interdiction du commerce international du thon. Mais la nouvelle commissaire européenne à la pêche y est favorable, et a promis d’en discuter avec les Etats-membres.

Pour le moment, Tokyo se fait discret. Le pays consomme à lui seul 80% des thons rouges pêchés. Dont une petite moitié est contrôlée par l’empire Mitsubishi. L’entreprise, qui est soupçonnée d’avoir commencé à stocker de grandes quantités de thon congelé pour profiter d’une éventuelle hausse des cours, se refuse évidemment à l’interdiction du commerce du poisson fétiche des japonais. En septembre dernier, Mitsubishi avait annoncé son soutien à un durcissement des quotas, ainsi qu’au renforcement du contrôle dans les ports de débarquement, pour réduire la pêche illégale de l’espèce. L’entreprise s’est aussi engagée à réduire ses achats pour montrer sa bonne foi.

NB. Lire le très instructif papier de Rue89 la semaine dernière, qui explique comment la France a subventionné le développement de la pêche au thon avant de faire machine arrière.

(1) Paris demande que cette mesure soit assortie d’un délai de 18 mois.

3 commentaires

  1. La position de Paris est tout à fait « intéressante ». A quelques semaines des Régionales, on se prononce pour l’interdiction de la pêche au thon rouge. (eh, les Verts, vous voyez comme nous sommes éco-responsables)….

    Oui mais cette interdiction pas avant dix huit mois (ohé, les pécheurs, vous pouvez constater que nous soutenons vos revendications sans la moindre faiblesse).

    Tant d’hypocrisie quand on a tant besoin de décisions réfléchies !!!! Il est vrai que quand un Président veut taxer le carbone (pas le CO2) pour protéger la couche d’ozone, on peut se poser des questions sur sa capacité à prendre des décisions réfléchies.

    Je trouve ce monde désespérant.

  2. Suventions pour l’équipement de grtands thoniers,
    subventions pour désarmer les thoniers,

    et vas-y donc.

    Quand auront nous les noms des auteurs de ces sottises ?

    C’est un boulot de journaliste d’investigation, de quoi ???

    Dans les années 50 et 60 on avait eu les mêmes gabegies gouvernementales pour la vigne.
    Prime à l’arrachage
    prime à la plantation,
    re prime à l’arrachage…

  3. « Interdire le commerce du thon rouge, une idée qui fait son chemin »
    Apparemment, le chemin est devenu impasse!

    A lire l’article dans La Croix (un des plus détaillé disponible http://la-croix.com/afp.static/pages/100318203953.r8ifyfwt.htm ) , ce sont manifestement des considérations politico-diplomatiques qui ont dominées au Qatar.
    « L’intérêt général » de défense de la biodiversité, n’a pas pesé lourd devant « les intérêts particuliers » de nombreux pays.
    Là encore, le fait de l’arrivée de propositions « en ordre dispersé » permet ensuite toutes les tactiques de positionnement.
    Force est de constater que les processus de régulation mondiale, indispensables dans de nombreux domaines, ne semblent pas encore murs.
    Cependant, la menace sur le thon rouge est-elle aussi forte et réelle que cela ?
    A lire l’avis de l’IRD dans l’article de Rue 89, ce n’est pas aussi évident. La proposition d’interdiction de Monaco ne concerne qu’une espèce de thon rouge dans l’Atlantique Nord et centre, et la Méditerranée.

    Pas d’interdiction non plus pour le commerce de l’ours blanc. Voir http://www.radio-canada.ca/nouvelles/environnement/2010/03/18/002-ours-polaire-thon-rouge.shtml
    La encore, la question de la menace réelle est posée.
    « Les organisations de protection des espèces étaient divisées sur la proposition. Par exemple l’Union internationale pour la conservation de la nature, le WWF et le World Conservation Trust estimaient que la demande américaine était plus « émotionnelle » que scientifiquement fondée.
    Mais pour la Fondation Brigitte Bardot, Robin des Bois ou le Fonds mondial de protection des animaux, la contrebande est une menace de plus qui pèse sur l’ours blanc. »

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