Pour quelques barils de plus

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

Vous avez entendu parler des sables bitumineux de l’Alberta canadien? Vous allez adorer ceux du Congo Brazzaville. Un rapport conduit par la Fondation Heinrich Böll, proche du parti vert Allemand (1), dresse un sévère réquisitoire sur le projet lancé il y a quelques mois, après l’accord conclu entre ENI et ce formidable démocrate qu’est le président congolais Sassou NGuesso. Le pétrolier dispose d’un permis pour 1790 kilomètres carrés de territoire congolais, et de l’autorisation de planter d’immenses pépinières de palmier à huile pour produire notamment du carburant.

La seule bonne nouvelle, sans doute, dans cette histoire, c’est que le gaz qui sort du gisement pétrolier de M’Boundi, exploité par ENI, ne sera plus torché, brûlé à l’air libre, mais transformé en électricité. L’air de rien, ce sont près d’un milliard de mètres cubes de gaz naturel qui étaient ainsi dilapidés. Mais c’est bien la seule bonne nouvelle si on en croit le rapport de la Fondation Heinrich Böll, qui s’inquiète de l’impact sur la forêt, la biodiversité et les populations, des projets d’ENI. Les pétrodollars iront-ils au développement du Congo, ou dans la poche des dirigeants du pays? Cette énergie servira-t-elle à améliorer la vie des congolais ou à assouvir la soif de pétrole des pays riches?

La zone concédée à Eni au Congo pour exploiter des sables bitumineux © Google
La zone concédée à Eni au Congo pour exploiter des sables bitumineux © Google

Avant toute chose, un détail qui a son importance, pour ceux qui n’auraient pas entendu parler des exploitations de sable à bitume. Elles se font à ciel ouvert pour extraire, à la pelleteuse, un épais mélange de sable et d’hydrocarbures. Ensuite, il faut des quantités considérables d’eau et d’énergie, pour produire de la vapeur capable de séparer le sable du pétrole. L’eau est ensuite mise à décanter dans de gigantesques bassins à ciel ouvert, qui sont en particulier une menace pour les oiseaux, comme l’ont montré les observations conduites dans l’Alberta. Que se passera-t-il dans cette région du Congo, qui abrite l’une des biodiversité les plus riches de notre planète?

Pour ENI, il n’y a pas de problème et pour cause. «Nos sables bitumeux ne se trouvent pas dans la forêt tropicale, sinon nous ne le ferions pas», expliquait le patron d’ENI en juillet dernier, cité dans le rapport. Officiellement, cette exploitation se fera dans des régions de savanes. Le hic, c’est qu’un rapport d’ENI expliquait tout autre chose, en mars dernier: «Le résultat [des études cartographiques] montrent que la forêt tropicale et d’autres environnements très sensible (par exemple des marais) représentent autour de 50% à 75% des [zones visées par les] permis.»

A moins qu’une vague de napalm se soit abattue sur le Congo entre mars et juillet dernier, le patron d’ENI est un sacré menteur. Je me suis amusé à placer dans Google Earth les six points qui délimitent —selon la Fondation Heinrich Böll — le permis accordé par le Congo à l’entreprise italienne (2). Et même si le niveau de précision de ces images satellites n’est pas parfait, la région ressemble plus à un épais tapis de forêt qu’à de la savane…

(1) Le rapport est co-signé avec Bank Track, Campaign for the Reform of the World Bank (CRBM), Fondazione Culturale Responsibilità, Amis de la Terre International, Commission Justice et Paix, Pointe-Noire (Congo), Misereor, Platform, Rainforest Action Network (RAN), Rencontre pour la paix et les droits de l’homme (RPDH, Congo) et Secours Catholique/Caritas.

(2) Pour ceux que cela intéresse, j’ai créé un fichier KML pour visualiser ces informations directement dans Google Earth.

36 commentaires

  1. Le deuxième lien a du et du mauvais. On y apprend notamment (fig 10) qu’il faut plus d’énergie pour l’extraction qu’on n’en récupère (EROI <1). En revanche le livre 'Limits to Growth' proposait plusieurs scénarios, et ceux-là ont disparu dans cette mise à jour.
    Jean-marc Jancovici reprend (et en français) une étude publiée fin 2008 qui compare aussi les prévisions de l’époque avec les réalités observées depuis.

    PS pour Denis. Le commentaire de PeakOil est visible dans mon lecteur RSS, mais pas l’article (à 14h10). Est-ce normal?

  2. Peak Oil, l’AIE est coutumière des surestimations. elle a même prétendu, c’était en 2002, que l’on atteindrait sans problème une production de 120 Mb/j en 2030!!
    On parle beaucoup du plafonnement de la production, mais ce plafonnement n’est jamais analysé en termes de rationnement: la quantité moyenne de pétrole disponible par habitant est en voie d’être rationnée de plus en plus rapidemnt, sous l’effet de trois phénomènes: déclin de la production, déclin des quantités mises sur le marché international plus rapide que celui de la production, augmentation de la population.

    1. @BMD. Je vous rejoins, et la méprise faite par nos élites sur ce sujet m’inquiète.

      La non préparation à une chute abrupte de l’offre est une vraie folie, c’est la politique de l’autruche à l’état pur. Comment vont réagir les tenants du ‘laisser faire’ quand le rationnement et la planification se révéleront indispensables ? Seront-ils faire les bons choix ? Se remettront-ils en question ou chercheront-ils des boucs émissaires ?

      Une désillusion des masses associée à l’effondrement du niveau de vie est à craindre. A cet égard, il faut reconnaître que troisième et le quatrième pouvoir ne font pas le travail d’anticipation que le citoyen est en droit d’attendre d’eux. Cette méprise sera très dommageable pour la crédibilité que le citoyen place encore dans ses institutions. Quelle sera l’attitude des Etats qui se prétendent développés et civilisés quand la fête se sera bel et bien finie (et qu’ils ne pourront plus se tranquilliser à haute dose de surconsommation) ? L’information ou la désinformation ?

      Un Cigne Noir se profile à l’horizon et les biens pensants continuent à faire comme si de rien n’était. Même les écologistes s’aveuglent en évitant le sujet du pic pétrolier de peur d’entacher leur communication sur le RCA, or ces deux thèmes sont intrinsèquement liés (the evil twins). Certains écolos pensent même que si le pic arrive plus vite que prévu, c’est une bonne chose, ils ne voient pas la suite de conséquences néfastes qu’il faut impérativement anticiper si on veut sauver quelques meubles.

      Le future sera fait de rationnements et de planifications ou ne sera pas ! C’était attendu, ce n’est que l’héritage promis par les apôtres de la croissance (qu’ils soient de gauche ou de droite).

      1. On croit entendre Cassandre hululer sur les murs de Troie.
        Les élites se méprennent.
        Les « masses » seront désillusionnées.
        Le niveau de vie s’effondredra.
        Un Cigne (sic!) noir se profile à l’horizon.
        Les écolos ne voient pas la suite des conséquences néfastes.
        Le futur (sic!) sera fait de rationnements et de désillusions.

        Cassandre, la belle Cassandre, la plus belle des filles de Priam fut violée par Ajax le petit,
        Elle échut à Agamemnon et fut assassinée par la femme de celui-ci et l’amant de celle-là.

        Peak.Oil.2008, Cassandre moderne, prenez garde, votre avenir est sombre.

      2. Relis tes classiques. A chaque fois, Cassandre avait raison. Son malheur était que personne voulait l’écouter…

      3. – Pour l’otho de mot « futur », je suis bien d’accord, je mérite un baffe
        – Pour le Cigne Noir, je vous propose de vous intéresser à la théorie du « Black Swan ».
        – Pour Cassandre, rien à dire, sauf qu’elle avait raison.
        – Pour ce qui est de mon avenir, j’espère réussir à lui donner du sens.

  3. Allez PeakOil, donne-nous une date ferme de l’apocalypse !
    Qu’on sache quand on a une chance d’être définitivement débarrassé de tes inepties…

    1. Il parait que c’est 2012, autour du 21 décembre… Vous pouvez commencer à remplir citernes, bidons et autres jerricans. ha ha ha

  4. Pourquoi Abitbol, vous voulez remplir votre baignoire de carburant un peu avant, comme çà s’est fait paraît-il dans la banlieue parisienne lors des chocs pétroliers?

  5. Peak-oil (sommet de la production du pétrole bon marché, personne n’a jamais dit qu’après peak-oil il n’y en aurait plus): décembre 2005, plus ou moins quelques mois.

    Malheureusement, il faudra que la production baisse de beaucoup avant que ce soit confirmé, donc Abitbol n’a pas de souci à se faire.

    Ou peut être que si. On consomme, malgré la crise à peu près 30 milliards de barils de pétrole par an. Or, pendant le premier semestre, on en a découvert 9 mld. Si le deuxième est aussi bon, on aura découvert 60% de la consommation. Cela sent un peu le manque, vous ne trouvez pas?

    Pour info, l’Opec est en production décroissante, les continents aussi, et les mers peu profondes aussi. Donc la seule « croissance » possible doit venir des mers profondes (bonjour le prix) et des pays non-Opec (bonjour la stabilité).

    1. On dit ici et là que passé les 100$ le baril, l’économie US entre en récession, ce qui mine du même coup les investissements et donc l’offre future. Il s’agit précisément du type de rétroaction négative qui World3 a réussi à mettre en évidence. Passer le pic des ressources (le pétrole bon marché semble permettre les ressources), la rétroaction négative prend le pas sur la rétroaction positive qui a prévalu pendant la période de croissance. Le cycle décroissant est alors enclenché.

      L’AIE prétend que l’offre sera satisfaite SI et seulement SI les investissements sont à la hauteur de l’enjeu de la production (c’est pour eux une manière de se couvrir). Ils ont perdu de vue que passer un certain prix, l’activité économique se bloque, ce qui fait chuter la demande et puis le prix, et fatalement les investissements dans l’offre future.

      1. Je voudrais corriger/ajouter qqs détails. Historiquement, les US sont entrés en récession lorsque le prix du pétrole importé dépassait 4% du PIB. Dans les conditions actuelles, cela met le baril à 80$, son prix actuel. Donc cela met une fourchette haute aux prix, car pour l’instant, qu’on veuille ou non, une récession aux US implique quasiment une récession mondiale.
        dans l’autre sens, 70$ constitue une fourchette basse. En-deçà de ce prix, les prix producteurs n’arrivent plus à boucler leurs budgets.
        Le grand souci c’est qu’on est en manque de pétrole pas cher. De mémoire, en 2008, on a investi 5mld de dollars pour trouver l’équivalent de 3 mlds de dollars de pétrole. Tout le pétrole qu’on trouve, nécessite des investissements lourds et coûteux à l’extraction. Vous n’avez qu’à lire la presse (même française) où tout le monde se plaint du manque d’investissement pour les extractions futures.
        Donc pour des raisons spéculatives (le coup de Goldman-Sachs sur le pétrole vaut son pesant de cacahuètes) et des raisons de coût d’extraction, le prix du baril à tendance à monter au-delà des 100$, mais pour des raisons économiques, le prix est contraint entre 70 et 80$. Sous la pression, quelque chose va céder.
        En attendant, on peut continuer à flamber. Après nous le déluge.

      2. @koen. Merci pour vos réactions pleines de bon sens.

        J’avais aussi entendu parler des 80$ (4%) comme seuil critique, vous faites bien de me corriger. Jeff Rubin (davantage porté sur la finance) parle sans cesse de ‘Triple digit oil price’. On peut se dire qu’il y a là quelque chose de symbolique, c’est parlant.

        Ce que vous dites quant aux écarts de prix confirme que le marché pétrolier est actuellement complètement irrationel.

  6. Peak oil et koen, question pour vous. Dans votre estimé de la date du pic, est-ce que vous tenez compte des sables bitumineux, du charbon liquide, des hydrates de méthane, et des schistes?

    1. Oui bien sûr, ils sont pris en compte, et la production des ces pétroles lourds et synthétiques ne permettra pas de compenser le déclin de l’offre de pétrole conventionnel.

      Connaissez-vous « The Energy Cliff » ? Avez-déjà entendu parler de l’ « EROEI » ? Voilà des notions qui vous permettront de mieux situer ces alternatives sur l’échiquier énergétique.

      Le pic du pétrole n’est rien d’autre que le pic du débit de pétrole disponible !

      1. Autrement dit: « les énergies fossiles qui demandent plus d’énergie à extraire que ce qu’elles contiennent ne pourront pas être exploitée ».

        Est-ce un bon résumé de ta position? Par ailleurs, es-tu d’accord que c’est une notion centrale, c’est-à-dire que si quelqu’un se trompe sur cette question, alors forcément son opinion sur le pic pétrolier est fausse.

      2. Bon on va pas en faire un pâté: ton hypothèse est douteuse parce que rien n’empêche d’utiliser énergie nucléaire ou renouvelable pour compenser un EROEI défavorable.

        http://effetsdeterre.fr/2009/09/17/le-soleil-au-secours-du-petrole/
        http://effetsdeterre.fr/2007/11/26/le-nucleaire-au-secours-du-petrole/
        http://effetsdeterre.fr/2009/04/08/du-petrole-dans-les-cailloux-on-nest-pas-sorti-de-lauberge/

        La vrai limite, c’est quand l’extraction est moins rentable que l’extraction du carbone atmosphérique. Possible mais pas demain la veille.

        http://effetsdeterre.fr/2008/03/13/de-leau-de-lair-de-lessence-nucleaire/

      3. Pas d’accord. On peut utiliser le soleil ou le nucléaire pour le pétrole, oui, et c’est même à conseiller pour limiter les émissions de CO2. Mais pas pour compenser un EROEI défavorable. Cela ne sert à rien de dépenser 1 kWh solaire pour extraire 0,6 kWh en équivalent pétrole, qui fournira, disons, 0,5 kWh d’énergie de transport à un véhicule.
        Le même kWh solaire fournira directement 0,8 kWh d’énergie électrique, sans passer par l’extraction.
        Dès que ton EROEI est inférieur à l’unité, tu extrais à perte, peu importe la source de l’énergie investie.

      4. « c’est à conseiller pour limiter les émissions de CO2 »

        Non! Le principal effet c’est d’augmenter les réserves exploitables, donc les émissions qui se retrouveront dans l’atmosphère.

        Certes, si on remplace le méthane (qui sert à extraire les sables bitumineux) par du nucléaire ou du solaire, on ralenti les émissions de CO2 correspondantes de quelques années. Mais c’est négligeable, puisque le gaz naturel sera utilisé quand même et que l’effet CO2 se cumule sur plusieurs siècles.

        « Dès que ton EROEI est inférieur à l’unité, tu extrais à perte »

        Certainement. Le problème est que le calcul de l’EROEI se fait séparément sans prendre en compte les mixtes énergétiques. Ainsi, des sources à EROEI apparemment inférieur à 1 peuvent être incluses dans un mixte solaire/fossile ou nucléaire/fossile qui aura un EROEI total supérieur à 1.

        Autrement dit, une ressource n’est pas nécessairement inexploitable à cause d’un EROEI inférieur à 1. Seulement s’il n’y a pas non plus de possibilité de monter son EROEI avec une autre source. Or c’est possible.

        « Cela ne sert à rien de dépenser 1 kWh solaire pour extraire 0,6 kWh en équivalent pétrole »

        En apparence tu as raison. En fait tu as tort: si le kwh solaire est de la chaleur, économiquement ça a un sens de l’utiliser pour produire du carburant: la chaleur est difficile à utiliser, le carburant est facile. Cela ne se voit pas quand on raisonne uniquement sur la quantité d’énergie. Autrement dit, c’est une façon de voir trompeuse.

      5. Le nucléaire a aussi sa place sur la Falaise Énergétique (The Energy Cliff), et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a débat. Selon les points de vue des uns et des autres, l’EROEI du nucléaire se situe entre 1,86/1 et 93/1. En fait, si vous tenez compte de toute l’énergie nécessaire au stockage des déchets dans le temps, il se pourrait que l’EROEI du nucléaire s’avère inférieur à 1. (http://www.energybulletin.net/node/46579)

      6. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on trouvera toujours une source pour dire une connerie sur le nucléaire. Franchement, tu es intéressé à ce qu’on en discute ou c’est suffisamment absurde pour qu’on laisse tomber?

      7. Pouvez-vous être plus clair ? Considérez-vous que la fission nucléaire n’a pas à être analysée sous l’angle de l’EROEI ?

        Il se peut que je n’ai pas l’intelligence suffisante pour pouvoir converser avec vous. Si c’est le cas, Sorry !

      8. Mon commentaire concerne le « calcul » indiquant un EROEI négatif.

        C’est de la même eau que les petits rigolos qui incluent dans le bilan du nucléaire civil les morts potentiels d’une attaque terroriste à l’arme nucléaire sur une mégapole. Devines quoi, c’est super dangereux!

        Maintenant on peut aussi imaginer utiliser du pétrole pour envoyer les « déchets » nucléaires dans le trou noir du centre galactique. Devines quoi, le EROEI du nuc descend presque à 0!

      9. Nous avons déjà débattu de cette question. Rien n’empêche en effet a priori d’utiliser du nucléaire ou du renouvelable pour produire du pétrole, si l’on estime que le pétrole nous est si indispensable que nous sommes prêts à le payer au prix de l’or. Quelques remarques toutefois: 1- Cela se traduit de toutes façons globalement par une perte d’énergie 2- Cela ne marche pas pour le pétrole, quelle qu’en soit la nature ( pétroles classiques, huiles extralourdes, asphaltes des sables bitumineux..) que l’on ne peut exploiter que par forage, car l’obstacle est ici de nature géologique: la production est gouvernée par les équations de la mécanique des fluides dans un milieu poreux contenant deux phases,hydrocarbures et eau, sinon trois quand il y a aussi une phase solide (asphalte). Vous pouvez y mettre toute l’énergie que vous voulez, à partir du moment où la saturation relative en hydrocarbures aura beaucoup baissé, vous n’y pourrez plus grand chose, car les paramètres essentiels de l’écoulement sont la saturation relative et la tension interfaciale entre phases. A partir d’un certain moment, c’est essentiellement de l’eau que vous sortez de votre gisement. Si vous y mettez plus d’énergie, vous la sortirez plus énergiquement, mais le pétrole restera en place. Or l’essentiel des réserves de pétrole, et celle des hydrates de gaz, n’est accessible que par forage (il en est de même pour la plus grande partie des sables bitumineux). La géologie est donc le facteur limitant essentiel au  » débit » des pétroles que l’on peut extraire du sous-sol, et vous n’y pouvez rien changer..
        3- Ces objections ne sont pas valables pour les pétroles extractibles à ciel ouvert (une petite partie des sables bitumineux) et les pétroles artificiels tels que l’huile produite par pyrolyse de schistes bitumineux, les biocarburants, et les carburants produits à partir du gaz et du charbon. Mais les limites sont ici le coût des investissements et les problèmes environnementaux. On remarque qu’à l’heure actuelle, les schistes bitumineux n’arrivent pas à décoller, les biocarburants se heurtent au problème des surfaces nécessaires aux cultures vivières, et que les unités de production de GTL et de CTL sont en très petit nombre. Il est donc très douteux que l’augmentation du « débit » de ces pétroles artificiels arrive à temps pour compenser le déclin de celui des pétroles naturels.
        En définitive, utiliser du nucléaire pour produire la vapeur nécessaire à l’extraction des bitumes de l’Athabasca, c’est a priori possible, mais cela ne peut être que trop tard. Utiliser de l’éolien comme en Argentine pour produire une part de l’électricité nécessaire pour faire fonctionner les installations, et ainsi diminuer les quantités de pétrole et de gaz utilisées à cet effet, c’est très bien, mais cela n’aura aucune influence sur la date du déclin des gisements explotés.

      10. @BMD. Vos précisions sont très intéressantes et très éclairantes.

        J’ai appris récemment que nous arrivons à extraire au maximum 40% d’un puits de pétrole. C’est peu et c’est certainement une des causes de la mauvaise perception de la réalité par beaucoup.

      11. Le taux de récupération, c’est-à-dire le rapport de la quantité de pétrole récupérable à la quantité initialement en place, est effectivement EN MOYENNE de cet ordre, en fait plutôt 35% actuellement. Mais ce n’est qu’une estimation, ne serait-ce que parce qu’il est impossible de connaître avec précision les quantités de pétrole en place, ni même de les définir. Il faut en effet se poser la question des méthodes que l’on peut utiliser pour les calculer. Elles ne peuvent être que probabilistes, en fonction des connaissances que l’on a pu acquérir sur les caractéristiques géométriques, géologiques , géologiques et pétrophysiques du gisement, ainsi que des caractéristiques des fluides (pétrole, eau..). contenus dans la porosité des roches. Les méthodes utilisées pour cela sont, soit globales mais imprécises ( géophysique, modèle sédimentologique du gisement), soit, dans le cas de données recueillies sur les forages, relativement précises mais insuffisamment représentatives parce qu’il ne s’agit que d’un échantillonnage limité d’un ensemble beaucoup plus vaste. Il faut donc combiner tout çà par des techniques d’interpolation et d’extrapolation utilisant les méthodes de la géostatistique. Une estimation probabiliste comporte nécessairement une marge d’incertitude, qui est dans ce cas assez grande, plus ou moins 10 % environ dans la plupart des cas. D’autre part, ce taux de récupération est très variable selon la nature géologique des gisements.
        Quand on parle de réserves, c’est de cette partie récupérable que l’on parle. Sinon, on parle de quantités en place. Le montant des réserves dépend bien sûr aussi des conditions économiques et technologiques, mais très secondairement en ce moment de prix très élevés et de technologie stabilisée.
        l
        La réaction de beaucoup est de dire: Aucun problème, il suffit d’augmenter le taux de récupération pour augmenter les réserves. Pas de chance, l’écoulement de plusieurs phases fluides (hydrocarbures, eau..) en milieu poreux obéit aux lois de mécanique des fluides, et malgré toute notre technologie, on n’arrive plus maintenant à augmenter ce taux qu’à la marge.
        La situation est différente pour les exploitation à ciel ouvert, sables bitumineux canadiens, où se trouvent l’essentiel des pétroles ainsi exploitables ( mais attention: La partie exploitable à ciel ouvert ne représente qu’une PETITE PARTIE de l’ensemble de ces sables,10 à 20%,l e reste ne pouvant être exploité que par forages). Dans ce cas en effet, on récupère au scraper la roche entière et on en extrait le pétrole en le réchauffant à la vapeur pour le rendre moins visqueux et permettre son écoulement. Le taux de récupération peut atteindre 80 à 90 %. La limite est ici principalement économique et plus le prix du pétrole augmente, plus on peut utiliser les parties du gisement les moins riches en pétrole. Une autre limite est la quantité d’énergie nécessaire pour l’ensemble des opérations.

      12. « 1-Cela se traduit de toutes façons globalement par une perte d’énergie »

        Certes. Et alors? Ce n’est pas l’énergie qui compte, c’est l’utilité économique de l’utilisation de l’énergie. Quand on utilise du pétrole pour faire des haricots verts, le bilan énergétique est très mauvais. Mais les haricots, ça se mange.

        « 2- Cela ne marche pas pour le pétrole »

        Certes aussi (enfin, disons en première approximation). Mais les bitumes, les schistes, le charbon, ce ne sont pas des carburants liquides.

        3… ah oui ok tu le mentionnes. Sur le débit, cf ma réponse au post 10993 plus bas.

      13. Vous perdez de vue la notion de débit de production, elle est centrale dans la théorie du pic pétrolier. Les pétroles alternatifs nécessitent des infrastructures lourdes, qui prennent du temps à être construites et qui demandent de gros investissements.

        Au début du 20ème siècle le pétrole était abondant. Pour satisfaire notre logique de rentabilité, nous avons commencé par les productions les plus faciles, c’est-à-dire les plus rentables. Les temps ont changé, l’époque de nos ancêtres où il suffisait de faire un petit trou dans le sol pour voir jaillir des quantités démentielles de pétrole est révolue.

        Voici un petit aperçu des l’EROEI dans le temps.

        Texas oil (1930) : 100 to 1
        US oil (1970) : 30 to 1
        US oil today : 15 to 1

        Wind today : 18 to 1
        Ethanol (Brazil) : 8 to 1
        Coal to liquids, Gaz to liquids : 6 to 1 // 8 to 1
        Oil Sands : 3 to 1
        Oil Shale : 3,5 to 1 // 2 to 1
        Ethanol from corn : 1,5 to 1

        Qu’est-ce que cela montre, que l’homme à tendance par commencer par le plus facile et à laisser le plus compliqué à plus tard et aux suivants. Résultat ; l’avenir du débit est tout tracé !

      14. Séparons les problèmes STP:
        -la quantité de réserves.
        -le EROEI des réserves
        -la vitesse d’extraction possibles.

        S’il est maintenant clair que ni le premier, ni le second ne sont réellement des problèmes insurmontables, reste le dernier.

        Personnellement, j’ai du mal à voir ce qui vous (toi et BMD) rend certain que la vitesse est très limitée. Certes les fossiles liquides sont limités physiquement sur le débit. Mais pas le charbon, ni les sables, ni les schistes, ni la tourbe, ni l’agricole. Pour toutes ces sources, on est dans une situation économique classique: plus d’investissement, plus de production.

        On peut donc s’attendre à une course entre d’un côté l’augmentation de la production des carburants synthétiques, de l’autre la diminution des ressources liquides traditionnelles. Or, cette course va être arbitrée l’économie: si la diminution est trop rapide pour être compensée, une récession s’en suivra qui diminuera la consommation. Finalement, la seule question, c’est l’ampleur de la récession qui sera nécessaire avant atteinte de l’équilibre entre baisse du pétrole classique et augmentation du pétrole synthétique. Grande, pas grande?

        Perso, j’en ai aucune idée, et je doute que quelqu’un puisse le savoir. Les seules choses qui me paraissent raisonnablement certaines, c’est que moins on investissera dans le remplacement des fossiles, plus la récession à venir sera grande, et moins les gens se sentiront prêt à faire des efforts pour lutter contre le RC.

        Autrement dit, moins on investit dans le nucléaire électrique maintenant, plus on a de chance de se retrouver avec un mixte nucléaire/fossile plus tard.

      15. Je crains que tu vas un peu vite en besogne. Pour moi le point 1 et 2 sont toujours d’actualité, mais ce n’est pas le point ici.

        Pour la vitesse, il n’y a pas seulement la limite physique, mais surtout la limite d’investissement. A part pour le charbon, aucun des autres sources que tu cites ne peuvent fournir un flux important dans les dix années à venir (c’est la durée minimale pour monter les usines de taille nécessaire).
        Et tu fais une grossière erreur avec « une situation économique classique: plus d’investissement, plus de production ». Déjà l’économie classique a tout faux, et dans un monde limité, c’est encore plus à côté. Tout hectare passé en agrocarburant est un hectare de faim (ou de viande de boeuf en moins). Donc on revient à l’heure de choix. Et faire un choix est politique, pas économique.

      16. « A part pour », comme tu dis.

        Concernant la durée pour construire une usine, tu te mélanges avec le nucléaire électrique que j’aimerais voir remplacer les énergies fossiles. Le nucléaire thermique destiné à produire du carburant synthétique est beaucoup plus simple et beaucoup plus rapide à mettre en place.

        http://www.hyperionpowergeneration.com/about.html

        « The Hyperion concept was originally conceived as a clean, affordable solution to power mining and industrial operations such as the retorting of oil sands and shale.  »

        Le « clean » ne manque pas de piquant appliqué à un système destiné à augmenter nos émissions de CO2. Enfin un moyen propre pour faire des tâches!

  7. Je souhaite contacter les responsables de la fondation. Comment faire pour vous contacter ?


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