Nucléaire, pétrole et charbon propre pour l’Amérique d’Obama

Il fallait le faire, c’est la revue britannique Nature qui l’a fait. Pour la peine, l’hebdomadaire scientifique a choisi de placer en libre accès son dossier de 19 pages sur la place de la science dans le programme de Barack Obama et John Mc Cain (1).

La cerise sur le gâteau est une longue interview de Barack Obama, complétée d’informations communiquées par son staff. Son concurrent conservateur n’a pas répondu à la proposition de Nature.

Je ne vais pas tout vous raconter, puisque l’ensemble des articles de Nature est accessible, pour ceux qui lisent l’anglais. Mais quelques points éclairent la vision d’Obama sur les questions qui sont posées, quotidiennement, dans ces colonnes.

Alors que l’administration Bush, comme d’autres avant elle, a souvent manipulé la science pour prendre les décisions qui l’arrangent, notamment en matière climatique, Obama veut rompre avec le passé. En gros, les arbitrages scientifiques seraient rendus par des scientifiques, pas par des décisionnaires politiques. Obama explique qu’il s’entourera de personnalités réputés pour leur intégrité et leur objectivité. Il souhaite éviter toute distortion par les biais idéologiques de personnels politiques, et renforcer « la protection des lanceurs d’alertes qui dénonceront des abus ».

Sur le nucléaire, Obama est on ne peut plus clair. Pas question d’abandonner cette source d’énergie si on veut répondre au défi climatique. Mais le candidat souligne la nécessité de répondre aux questions posés par la sécurité, le stockage des déchets et la prolifération. Il estime que le centre de stockage de Yucca Mountain, dans le Nevada, a prouvé son échec et devrait être abandonné.

Obama entend aussi imposer un marché des permis d’émission des gaz à effet de serre pour les “réduire dans les proportions jugées nécessaires par les scientifiques, soit 80% moins en 2050 qu’en 1990.” Mais pour éviter les erreurs de l’Europe, ces permis seront mis aux enchères et non distribués gratuitement, l’argent récolté servant à investir dans des technologies propres, explique le candidat. Mais son administration favoriserait néanmoins le développement de l’exploitation du pétrole et du gaz, en dehors des zones protégées, dans le cadre du marché des permis d’émission.

Obama ne ratifiera probablement pas le protocole de Kyoto sur les gaz à effet de serre. “En adoptant un objectif agressif sur nos émissions domestiques, les Etats-Unis peuvent retrouver l’autorité morale pour conduire le monde à une solution efficace et équitable sur le changement climatique.” Le candidat entend passer directement à l’ère post-Kyoto, en cherchant à engager l’Inde et la Chine dans un effort de réduction de leurs émissions, au sein d’un Forum global de l’énergie. Un lieu de discussion qui rassemblerait les principaux émetteurs de gaz à effet de serre du monde occidental et des pays en développement. Une manière de prendre la direction des opérations, en dehors du cadre de l’ONU. Sur ce point au moins, Obama entend rester dans la voie ouverte par Dobelyou!

Sur le charbon, Obama ne répond pas quand on lui demande s’il est favorable à un moratoire sur la construction de centrales qui ne séquestreraient pas leur gaz carbonique en sous-sol. Il réaffirme, comme Bush et Mc Cain, son intention d’investir massivement dans les techniques de capture et d’enfouissement du gaz. Il proposera des partenariats public-privé pour construire les cinq premières centrales propres de dimension commerciale. Une position très différente de celle défendue par la star démocrate du climat, Al Gore. Ce dernier a, mercredi, appelé les jeunes à la désobéissance civile pour empêcher les projets des brûleurs de charbon qui ne veulent pas attendre que les technologies propres soient disponible.

NB. Obama ne prononce pas une fois les mots solaire, renouvelable, éolien. Mais il est vrai qu’aucune question ne lui a été posée là-dessus.

(1) L’ensemble du dossier « Elections 2008 » de Nature est accessible depuis un index ou téléchargeable en une fois, au format pdf. Obama évoque aussi la recherche médicale et l’éthique, la recherche spaciale, la place des Universités, etc.

18 commentaires

  1. « En gros, les arbitrages scientifiques seraient rendus par des scientifiques, pas par des décisionnaires politiques. »

    Waoo

    Les arbitrages militaires seraient rendus par les militaires…
    Les arbitrages sur l’éducation seraient rendus par les éducateurs…
    Les arbitrages de Justice seraient rendus par les magistrats…
    ETC.

    Les politiques vont bientôt être élus pour que dans chaque domaine de compétence, ce soit des spécialistes, des experts qui prennent les décisions et les responsabilités… C’est sûr Obama c’est le progrès.

    J’espère pour les américains et le reste du monde que ce n’est qu’une promesse de campagne qui n’engage que ceux qui y croient. Sinon autant mettre Hensen à la maison Blanche.

  2. Je crois que c’est juste un abus de langage, en réalité c’est juste qu’on va écouter un peu plus les personnes concernées , j’espère. Mais je ne me fait pas d’illusion j’ai compris depuis peu que Obama c’est le Sarkosy des américains ! Un publicitaire quoi. Ben j’espère me tromper gravement !

  3. @5
    En 2004, 48 Nobel soutenaient Kerry. Maintenant, il y en a 61 qui soutiennent Obama. Obama va avoir 13 voix de plus que … Kerry, super !

  4. @6.

    Effectivement les Nobel ne soutenaient pas Bush en 2004.

    Je ne sais pas si vous avez suivi l’actualité, mais même les républicains semblent trouver que, après tout, ils avaient peut-être bien raison. 🙂

  5. @Tilleul, enfin une action de Green Peace sur les centrales à charbon anglaises.. Peut-être un jour les verra-t-on en Allemagne? Ils feraient bien de se presser, le programme de construction de centrales à charbon y est maintenant de 30!

  6. @DDq, en effet, le retour. Tiens, pour vous occuper et titiller Tilleul, qui s’est caché derrière un marchand de fruits et légumes pour s’escrimer de manière peu convaincante sur le rapport Montaigne, pourquoi ne diriez pas quelques mots du récent rapport de l’Académie des technologies sur l’éolien. Il est aisément accessible par Google ( Académie des technologies+10 questions à Gilbert Ruelle sur l’éolien)

  7. Author

    Ah, pour m’occuper… Désolé, mais en ce moment, mon emploi du temps m’empêche d’avaler les gros rapports (éolien, énergies renouvelables vues par l’AIE, émissions mondiales de GES en 2007…). Ce n’est pas l’envie qui manque, c’est le temps!

  8. Obama est un homme politique, et il se doit de rester vague sur beaucoup de sujets. Bien entendu, il vaut mieux qu’il demande leur avis à des scientifiques plutôt qu’à des histrions à la José Bové pour prendre des décisions. Mais je suppose qu’il sait que les décisions politiques sont aussi l’affaire de la cité, et qu’en la matière il n’existe pas de spécialistes réellement indépendants: Nous somme tous engagés dans la même « Polis! », nous partageons le même destin!

    Il y a un point dans les projets de Obama qui me fait réagir: il tire un bilan négatif des projets « Yucca Mountain » (UC). Ca, c ‘est important: dans les années 80, Carter, sur les conseils du gourou Rifkin, avait annoncé le renoncement des US au retraitement des combustible sirradiés et avait lancé le projet de les stocker dans le site YM (cela semble être aussi l’avis d’un scientifique respectable comme Gawin, qui a écrit le livre avec Charpak).

    Cela avait pour effet un renoncement au cycle surgénérateur au Plutonium, pour à mon avis deux raisons principales: la prolifération et surtout le prix: l’uranium était peu cher et l’intérêt économique du cycle type « Superphenix » semblait faible…

    A mon avis, une telle politique n’était tenable que si on estimait que le nucléaire allait s’arrêter: le site YM prévoyait de stocker autour de 100000 tonnes de combustible irradié, ce qui correspondait à une cinquantaine d’années de production US.

    Mais ca ne va pas! Les protestations ont retardé ce programme, et le site s’il existait serait déjà presque plein. Donc les américains n’ont plus de choix qu’entre arrêter le nucléaire et développer le retraitement, qui diminue énormément la quantité de déchets… et prépare les surgénératurs de génération IV. Ils ont du mal à concrétiser cette décision, mais il y a déjà des coopérations avec ceux qui maîtisent le cycle: ces maudits français de AREVA!

    Je pense que Obama a tout à fait raison sur ce point, et que les Américains ont eu tort de suivre les avis du gourou Rifkin. Savez vous que ce même perosnnage est le conseiller de Barosso en matière d’énergie??? Il pousse notamment en avant une utopique et illusoire « société de l’hydrogène » en avant…Eviter de suivre les gourous et écouter les scientifiques un peu plus me parait sage!!!!

  9. L’explication sans complot…

    C’est l’administration Ford qui a d’abord arrêté l’exportation de techniques de retraitement des combustibles irradiés à des fins civiles suite à l’essai d’une bombe atomique en Inde en 1974 qui s’en était servi pour récupérer de quoi faire sa bombe. L’administration Carter a ensuite retiré toutes les licences pour le faire sur le sol américain par peur de la prolifération (on considérait à cette époque qu’il serait impossible d’empêcher que ces matières dangereuses tombent entre de mauvaises mains). L’administration Reagan est revenue sur la décision de Carter mais aucun projet ne s’est mis en œuvre à cause des couts : le développement du nucléaire a été bien en deçà de ce qui était prévu (impossible de respecter les couts ni les délais pour la construction des centrales) ce qui limitait la demande pour le combustible et de nouveaux gisements de minerais à haute concentration d’uranium ont été découverts.

  10. A Tilleul,

    tout à fait juste: la décision, sur le fond était une décision économique: pourquoi s’emmerder à retraiter les combustible irradiés, comme ces idiots de Français, alors que l’Uranium était si peu cher (moins de 20 dollars la livre) et qu’on ne construit plus de nouveaux réacteurs?

    Et évidemment, il y a eu la crainte de prolifération (le fameux plutonium). Je pense que c’est mineur, dans la mesure où on vend des réacteurs avec les éléments combustibles, et le détournement des élément combustibles irradiés est difficile.

    Quid de l’avenir? A mon avis, l’énergie nucléaire va connaître un rapide développement. On a plus de cent ans de consommation actuelle, et on peut probablement supporter un doublement des réacteurs à Uranium sans problème.

    Le génération IV est utile à deux choses: ce seront des réacteurs surgénérateurs, et ils risquent de devenir indispensables si l’énergie nucléaire quintuple, car cela veut dire 300-400mille tonnes de uranium annuels. Mais aussi de tels réacteurs permettent de diminuer d’un facteur au moins 10 les déchets « ultimes ». Et il y a là un problème: les US ont accumulé pas mal de combustible irradié, et ils vont développer de nouveaux réacteurs. Non seulement YM ne se fait pas, mais leurs stocks vont excéder les capacités prévues de YM.

    Donc je pense que, malgré le prix, ils vont devoir se résoudre à retraiter leus combustibles…Mais c’est vrai qu’ils ne semblent pas se presser.

    Karva

  11. « tout à fait juste: la décision, sur le fond était une décision économique: pourquoi s’emmerder à retraiter les combustible irradiés, comme ces idiots de Français, alors que l’Uranium était si peu cher (moins de 20 dollars la livre) et qu’on ne construit plus de nouveaux réacteurs? »

    Je sais pas parce qu’au bout du compte on se retrouve à stocker l’uranium de retraitement, les combustibles MOx usés et les déchets du retraitement, ce qui est au final pire parce que le procédé est plus polluant et en plus ça réduit la durée de vie des centrales ?

    Et puis j’espère que vous allez pas me ressortir superphénix parce que vu les problèmes de démantèlement que pose ce machin (5500 tonnes de sodium fondu qui s’enflamme à l’air qu’on est obligé de traiter au goute à goute dans un atmosphère neutre d’azote pour en faire de la soude qui sera neutralisé dans du béton… ce qui va prendre 5 ans!) c’est encore l’exemple typique de la solution « c’est pas grave nos enfants paieront ».

    Avis d’Al Gore que je partage tout à fait :

    « En tout état de cause, la part du nucléaire dans l’énergie utilisée de par le monde est relativement faible, et il est probable qu’elle le restera. Par conséquent, c’est une erreur de prétendre qu’il permettra de résoudre le problème du réchauffement climatique. Néanmoins, il faut poursuivre activement la recherche, notamment dans le domaine de la fusion thermonucléaire contrôlée, qui dans un avenir encore très éloigné, nous offre la perspective de sources d’électricité relativement moins dangereuses et plus productives. »

    « On a plus de cent ans de consommation actuelle, »

    On a aussi plus de 100 ans de pétrole, la question c’est à quel cout économique et environnementale vous voulez votre énergie. Plus vous avez besoin d’uranium et plus la pollution lié à l’extraction et au traitement augmente parce que les gisements sont moins concentrés… Si le nucléaire se développait (ce qui n’est pas actuellement le cas puisqu’il y a moins de projets nucléaire que de centrales qui arrivent en fin de vie), le cout environnemental (eau, énergie, pollution de l’air) de l’exploitation de l’uranium irait aussi augmenter… C’est plutôt une bonne nouvelle pour la planète que le nucléaire reste une énergie à la marge…

  12. A Tilleul:

    Bien sûr, il n’y a pas de solution miracle. Mais quannd je vois Greenpeace s’opposer à la voiture électrique, qui permet de diminuer considérablement les émisisons de CO2 parce qu’il est évident qu’elle se comprend basée sur l’électricité nucléaire, je me dis que vour êtes du genre: pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? A moins que vous préconisiez une solution encore plus imple: supprimer les bagnoles?

    Moi, ce que je vois, ce sont les gigantesques exploitations de charbon dans le monde. Je viens de faire un cours sur le sujet, et j’aimerais que vous y jetiez un coup d’oeil: rien à voir avec nos pauvres mines d’Uranium! J’ai de très belles informations aussi sur les mines de lignite en Allemagne. Savez-vous le nombre de centrales au lignite qui se préparent en Allemagne?

    Mais de là à ce que vous changiez…

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