La drôle de calculette d’Air France (et de ses concurrents)

e n’ai rien contre Air France. Promis, juré. Même si je ne voyage que très rarement en avion, j’ai emprunté, je l’avoue sans honte, leurs lignes aériennes. Mais le fleuron de l’économie française devrait rester modeste quand il s’agit de développement durable.

Quand la SNCF avait lancé son calculateur de CO2, le transporteur aérien a hurlé contre la méthode, puisque même le TGV (beaucoup plus vorace que le tortillard) est toujours plus efficient que l’avion. Alors le transporteur aérien a lancé vendredi dernier son propre calculateur, à grand renfort de communiqués de presse, en attendant la possibilité «offerte prochainement» de compenser ses émissions.

C’était l’occasion d’un petit comparatif (non exhaustif, je vous rassure) entre divers calculateurs de CO2 disponibles sur la Toile.

Pour un Paris-New York (AR), Air France affirme qu’un passager émet 962 kg de gaz carbonique. C’est plus que ce qu’évalue son concurrent SAS, qui offre déjà la possibilité de compenser ses émissions en finançant une ONG qui investit dans les énergies «neutres» en gaz carbonique: selon le transporteur Scandinave, le même trajet revient à une émission de 1300 kg.

British Airways voit les choses d’une toute autre manière, avec un rejet de gaz carbonique de 1630 kg entre Paris et New York (AR), selon le calculateur de son partenaire Climate Care.

Passons aux calculateurs proposés par les ONG:

Sur Climat Mundi, notre voyage à New York recrache l’équivalent de 2560 kg de CO2, à peu de chose près ce que trouve Sustainable Travel International. Sur CO2 Solidaire, le rejet grimpe à 2920 kg. C’est également ce que trouve Native Energy qui, au passage, offre sans doute le calculateur le plus ergonomique (mais en Anglais) et le plus d’explications sur sa méthode.

Parce que pour les transporteurs aériens, à commencer par Air France, le moins qu’on puisse dire c’est que la méthode de calcul est cachée derrière un épais rideau de gaz carbonique. Sur son site, l’expert Jean-Marc Jancovici apporte indirectement une explication à ces différences d’ordre de grandeur: il s’agit encore une fois d’un problème d’unité: parle-t-on de kilogrammes de gaz carbonique, de kilogrammes de carbone correspondant au seul gaz carbonique, ou de kilogrammes-équivalent carbone prenant en compte l’ensemble des gaz à effet de serre rejetés par les réacteurs d’un avion (suivant ce qui est généralement accepté, ça double l’impact du seul gaz carbonique).

Sur Paris New York, Jancovici calcule 696 kilos-équivalents de carbone en seconde classe, et 2436 kEqC en première classe. Faute d’en savoir plus sur sa propre méthode de calcul, on se demande si Air France est vertueuse en affichant une émission de 962 kEqC, ou si elle triche en considérant, comme c’est écrit sur son site, qu’il s’agit de 962 kEqCO2… L’air de rien, comme le carbone est une molécule légère, ces 962 kEqCO2 ne pèsent que 260 kEqC… A moins qu’Air France ne considère au passage que le gaz carbonique… Vous suivez? Pas évident, je sais, surtout que le transporteur français prend sa plume pour justifier qu’il tient compte de données réelles, du fret et du poids des bagages des passagers (au passage en considérant que toutes les catégories de voyageurs sont équivalentes, de la classe touriste à la première classe). Mais aucune explication sur le taux d’occupation (un facteur essentiel!) ni sur la manière de calculer les émissions.

Le bilan de l’histoire? C’est que le total en équivalent gaz carbonique (c’est l’unité la plus simple), c’est qu’un AR entre Paris et New-York en classe touriste équivaut à un rejet d’environ 2500 kg de gaz carbonique (1560 selon la SNCF), en tenant compte de tout. Un nombre à multiplier par trois ou quatre en première classe. Mais ce serait plus simple si tout le monde s’accordait sur une méthode, non?

2 commentaires

  1. Merci bien pour cet article très intéressant ! La comparaison est ici de rigueur, c’est quand même un comble qu’ils en arrivent à des résultats si disparates … Alors du coup ? Paris New York en bateau ça consomme moins ? Il faudrait faire un comparatif … 🙂 Je me permet de faire un lien vers votre article sur mon blog OceKo !
    A bientôt
    Nathalie

  2. Bon ben je reagis la aussi!

    Tous les calculs de ce type sont extremement compliques. J’ai un pote qui fait ca pour l’industrie qui a essaye de m’expliquer. J’ai craque avant la fin.
    Je suis tout a fait d’accord avec l’auteur de l’article sur le besoin de definir une base commune, ce qu’on appelle en stats un perimetre.

    En clair, si on prend un avion, on peut calculer avec son taux moyen de remplissage (passagers, colis), et avec sa motorisation, sa consommation de kerosene.
    C’est a partir de la que ca se complique, de nouveau comme l’a ecrit l’auteur de l’article, quoi et comment devons nous decouper.

    Essayons de faire simple, on dit que tout est du CO2 (C’est faux) et que tous les passagers voyagent dans une seule classe (souvent c’est aussi faux)
    Quid des colis?
    En effet, les compagnies savent bien que les passagers ne sont pas tous dotes de leurs 23 kilos de bagages. En moyenne, elles ont un etres bonne statistique de la chose.
    En conclusion de quoi, elles completent leurs soutes avec du courrier, et eventuellement, des produits « cargo ».
    On ne peut donc pas diviser CO2 total/passager.
    Le partage doit se faire a la « masse »
    masse(passagers+bagages)xCO2 produit/total de la masse/nombre de passagers!
    [Le ratio n’est pas le meme entre air-france qui Scandinavian au depart de Paris]

    Vous me suivez! Cool!
    (et l’equipage, inclu ou non? et l’age.. non pas du capitaine!, mais de l’avion et surtout de ses moteurs!…)

    –> seul un perimetre defini precisement pourrait solutionner la chose.

    Ceci dit, dans l’ordre, et de maniere globale:
    – bateau (le plus economique en energie)
    – train normal
    – train rapide (meme pendant le record a 574 km/h le TGV consommait moins qu’un avion de ligne)
    – metro (a cause des arrets)
    – autobus
    – voiture
    – avion

    A+

    Sebastien

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